L'histoire de la rue Nérée-Beauchemin est similaire à celle de la rue Notre-Dame dont nous avons déjà parlé.
Résumons-la par le fait que le train s'est arrêté pour la première fois en 1878 et que l'arrivée de la nouvelle gare incita les gens à se bâtir tout près de ce nouveau moyen de communication.
On a également vu que la rue Nérée-Beauchemin a d'abord porté le nom de rue Samson, le temps d'une séance du conseil municipal, pour devenir la rue Saint-Pierre.
Pourquoi Saint-Pierre ? C'était pourtant la terre de Jean Gagnon et les procès-verbaux n'ont aucune précision sur ce nom.
Cette rue avait même un surnom, la rue du Milieu, en référence à sa situation entre les rues Notre-Dame et Saint-Jean. ( route 153 ).
Dans les années 1930, il y avait beaucoup d'activités au commerce de Armand Milot sur la rue Nérée-Beauchemin.
Au rez-de-chaussée, il y avait une écurie;
À l'étage, il y avait une salle de quilles fort populaire à l'époque, notamment à l'époque de la prohibition où l'on pouvait prendre un verre en cachette, tout en se proclamant, n'en doutons pas, membre tempérant des Lacordaires (l'ancêtre des Alcooliques Anonymes).
Bref, on peut imaginer qu'on s'y amusait bien jusqu'à ce soir du 27 mars 1939 où le feu se déclara à 3 heures du matin à la salle de quilles (on prétendit qu'une cigarette mal éteinte en serait la cause). L'édifice fut rapidement un terrible brasier qui se propagea en une conflagration qui ravagea pas moins de cinq autres immeubles (situés sur la rue Sainte-Anne) et qui fit craindre le pire pour le reste du village.
Un terrain de cette rue a toute une histoire: il s'agit du terrain où se trouve un édifice désaffecté, en plein centre de la rue.
Ce marché public fut en opération pendant 10 ans et le conseil municipal y louait des emplacements, réglementait sa gestion et y entreposait même ses équipements incendie.
Le 11 mars 1895, le conseil municipal décide de fermer le marché à compter du 1 mai 1895. Toutefois, le 26 mars 1896, on décide de l'ouvrir à nouveau le 1 mai 1896, mais ce sera sa dernière année d'opération.
La rue Saint-Pierre a même eu la particularité de se prolonger au-delà de la voie ferrée, au nord, jusqu'à la propriété Narcisse Gélinas ( c'est la maison Omer-Jules-Desaulniers qui avait été construite par le maire de la Paroisse Thomas Dufresne et vendue à Narcisse Gélinas ).
En 1932, l'équipe du maire Pierre Bellemare prenait une décision qui allait causer tout un émoi, la construction de l'édifice actuel du 141 Nérée-Beauchemin au coût de 13 950.00 $, toujours au même emplacement où se trouvait le marché public.
Le maire Bellemare en paiera le prix politique car on ne voulait pas de cet édifice, lui trouvant même un certain penchant, comme la tour de Pise!!!
L'édifice ne servit jamais à des fins municipales.
Plusieurs industries de confection de linge s'y succédèrent, les femmes d'Yamachiche étant d'habiles couturières, les manufactures y furent prospères.
L'édifice servit également aux Chevaliers de Colomb qui y firent de spectaculaires initiations, des banquets et des projections de films, leurs fameux dîners aux beans. Les Chevaliers de Colomb occupaient principalement le troisième étage et y renoncèrent le 1 mars 1953 afin de laisser tout l'espace à l'entreprise de Monsieur Georges Langlois qui l'acheta de la municipalité le 12 octobre 1967.
On peut donc associer la rue Nérée-Beauchemin aux Chevaliers de Colomb qui, après avoir occupé l'édifice municipal, se construisirent en avril 1954 un édifice qui devint rapidement un lieu de rencontres pour les quelques 400 membres, une salle de cinéma pour les plus jeunes mais surtout, le lieu d'une formidable implication communautaire qui servit autant l'Église que les gens d'Yamachiche.
Le Conseil 2998 d'Yamachiche, ce fut l'oeuvre de J. Armand Pellerin qui y consacra toute sa vie. Il avait fondé le conseil le 2 mai 1946 et accéda aux grands honneurs de Député District, tout comme Léon Lacerte et Jean Villemure.
Le 6 août 1951, le conseil municipal changeait le nom de la rue Saint-Pierre qui porte désormais l'appellation rue Nérée-Beauchemin:
Nérée Beauchemin s'est fortement impliqué dans sa communauté, n'allez pas croire
tantôt des adresses, pour mettre en valeur une fête ou l'un de ses contemporains.
La ville de Trois-Rivières lui a fait l'honneur d'un monument à son parc de l'Hôtel de ville, de donner son nom à une rue et à un pavillon de son université.
Il n'était que logique qu'une rue porte son nom, lui qui a habité au coin de cette rue et l'an 2000 marquera le 150e anniversaire de sa naissance puisqu'il est né le 20 février 1850.
Nérée Beauchemin a publié 2 recueils de poésie :
Monsieur Armand Guillemette, autrefois de l'U. Q. T. R., a écrit une thèse sur Nérée Beauchemin, classant 355 pièces dans 667 versions (donc 2,3 de moyenne par pièce).
En voici une, Patrie intime, tirée de son dernier recueil :
Les jours de la vie âpre et douce,
Dans l'assurance de la Foi,
Jusqu'à la suprême secousse.
Je me suis fait une raison
De me plier à la mesure
Du petit cercle d'horizon
Qu'un coin de ciel natal azure.
Mon rêve n'a jamais quitté
Le cloître obscur de la demeure
Où, dans le devoir, j'ai goûté
Toute la paix intérieure.
Et mon amour le plus pieux,
Et ma fête la plus fleurie,
Est d'avoir toujours sous les yeux
Le visage de ma patrie.
Patrie intime de ma foi,
Dans une immuable assurance,
Je veux vivre encore avec toi,
Jusqu'au soir de mon espérance.
Vous le voyez, comme l'écrit si bien son ami Clément Marchand, Nérée Beauchemin met fin à l'ère de l'épopée, du long poème impersonnel et froid pour ouvrir celle du lyrisme plus familier, déjà nourri de réalités intérieures.
Toute sa vie, Nérée Beauchemin souffrit beaucoup de l'indifférence des gens de poésie du Québec qui l'ignoraient ou s'en moquaient.
Ce fut son ami Monseigneur Albert Tessier qui réussit à le convaincre de publier à nouveau, à l'âge de 77 ans!
Nérée Beauchemin a exhalté l'amour du sol et le respect de nos traditions, nos croyances, nos aspirations dans une grande variété de sujets qu'il a traités avec clarté.
Son mérite fut d'être l'un des premiers à le faire, pour nous, il aura été le chantre de ce Yamachiche que nous chérissons tant.
Personne ne lit plus Nérée Beauchemin dans le texte ou ne récite plus ses poèmes de mémoire mais j'espère qu'en lisant et en relisant Patrie intime, vous saurez mieux apprécier l'amoureux qui chante Yamachiche.
Comme médecin, Nérée Beauchemin a assisté à la presque totalité des naissances de son époque et sa fille Jeanne a longuement conservé intacte sa résidence, on voyait encore 50 ans après la mort de Beauchemin ses effets personnels rester à la même place, comme s'il était encore là, notamment dans son bureau de médecin.
Quand la Fondation Maison de la Francophonie eût l'opportunité de prendre possession de la maison, les gens d'ici n'étaient pas prêts à perpétuer l'image de l'un de ses fils les plus méritants.
Le Musée des Arts et Traditions populaires du Québec a récupéré les effets personnels de Nérée Beauchemin et s'en sert comme artefacts lors d'expositions.
Et mon amour le plus pieux,
Et ma fête la plus fleurie,
Est d'avoir toujours sous les yeux
Le visage de ma patrie.
J'en reviens brièvement à l'affaire du foyer Ernest-Jacob, comme il est triste de constater que bientôt nos personnes âgées ne pourront plus être de ceux pour qui :
Est d'avoir toujours sous les yeux
Le visage de ma patrie.
Paul Desaulniers
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