RUE GÉRIN-LAJOIE

 

 

1ère génération

Jean Gérin (1728-1799) ou Jarin était le fils de Joseph Gérin et de Marie Courtin de la paroisse des Échelles dans le diocèse de Grenoble, Dauphiné, France. Il se maria à Yamachiche le 6 octobre 1760 à Marie-Madeleine Grenier, fille de François Grenier et de Josephte Gélinas d'Yamachiche.

Jean Gérin était dans l'armée de Montcalm alors que Conrad Gugy comme nous l'avons vu il y a quelques semaines était dans l'armée de Wolfe. On peut comprendre que le voisinage n'était pas toujours facile à cette époque...

C'est son épouse Madeleine qui hérita de son père la maison ancestrale des Gérin-Lajoie, résidence qui existe encore de nos jours au 160 Petites-Terres à Yamachiche (actuellement Paul Blais). Comme nous le verrons dans quelques semaines, le chemin des Petites-Terres, c'était à l'époque le Chemin du Roy, construit en 1737, qui reliait Québec à Montréal sur la rive nord.

2e génération

Parmi ses fils, André (1771-1825) épouse Ursule Rivard de la Glanderie fille de François et Ursule Ledroit.

3e génération

Parmi leurs enfants, Antoine (1801-1871) épouse Amable Gélinas, fille de Joseph et Françoise Lacerte.

4e génération

Ils seront les parents du romancier Antoine Gérin-Lajoie (1824-1882) qui épousera le 26 octobre 1858 à la Cathédrale St-Michael de Toronto Joséphine Parent, la fille d'Étienne et d'Henriette Grenier.

Étienne Parent s'est rendu célèbre comme journaliste du Canadien et une autre de ses filles épousa nul autre que l'historien bien connu Benjamin Sulte.

Antoine Gérin-Lajoie

Antoine Gérin est né à Yamachiche le 4 août 1824. Il était l'aîné d'une famille qui comptera 16 enfants. Son intelligence et son goût pour l'étude amenèrent le curé d'Yamachiche, l'abbé Sévère-Nicolas Dumoulin, à convaincre ses parents qu'ils devraient lui donner une instruction supérieure. Devant leur hésitation, le curé Dumoulin s'engagea à payer le premier trimestre de la pension du jeune Antoine tant qu'il serait aux études.

C'est ainsi que se retrouva Antoine en 1837 au collège de Nicolet :

  • Emporté par l'émotion, il compose en moins d'une heure la désormais célèbre complainte " Un Canadien errant " encore aussi populaire de nos jours :
  • Un Canadien errant,

    Banni de ses foyers,

    Parcourait en pleurant

    Des pays étrangers.

    Un jour, triste et pensif,

    Assis au bord des flots,

    Au courant fugitif

    Il adressait ces mots :

    Si tu vois mon pays,

    Mon pays malheureux,

    Va dire à mes amis

    Que je me souviens d'eux.

    O jours si pleins d'appâts,

    Vous êtes disparus...

    Et mon pays, hélas!

    Je ne le verrai plus.

    Plongé dans les malheurs,

    Loin de mes chers parents,

    Je passe dans les pleurs,

    D'infortunés moments.

    Pour jamais séparé

    Des amis de mon coeur,

    Hélas! oui, je mourrai

    Je mourrai de douleur.

    Non, mais en expirant,

    O mon cher Canada,

    Mon regard languissant

    Vers toi se portera.

  • Cette chanson fit vibrer tout le Québec encore sous le choc de ce grand mouvement nationaliste qu'avait initié Papineau et qui s'était terminé dans la violence. Elle est encore aussi populaire aujourd'hui, sinon par ses paroles, que par son air mélodieux que Gérin Lajoie emprunta d'une très vieille chanson déjà oubliée à son époque: ..."Si tu te mets anguille"....

  • C'est d'ailleurs l'abbé Ferland qui convainc Antoine de porter le nom de Gérin-Lajoie au lieu de ne porter que le nom de Gérin.

    En effet, les ancêtres Gérin ne portaient que ce nom, son bisaïeul ( on parle donc de Jean, celui de la 1ère génération) avait adopté comme nom de guerre l'appellation Lajoie parce qu'il était toujours content.

    C'est ainsi que la rue Gérin-Lajoie aurait pu ne s'appeler que Gérin si ce n'eût été d'Antoine puisque ses frères et soeurs continuèrent de ne porter que le nom de Gérin.

  • " Plus d'honneur que d'honneurs "

    Ses études terminées, il se rend à New-York en 1844 pour apprendre l'anglais tout en espérant gagner sa vie comme professeur de français. Il se rend vite compte que les préjugés envers les Canadiens français sont tenaces et rentre au pays au bout de 17 jours.

     

    Il se dirige à Montréal où Ludger Duvernay le prend sous son aile, d'abord au journal La Minerve puis comme secrétaire d'une association que venait de fonder Duvernay : la Société Saint-Jean-Baptiste et enfin en le portant à la présidence de l'Institut Canadien, une société littéraire et scientifique qui servit de centre aux jeunes intellectuels de l'époque.

    En 1847, Antoine Gérin-Lajoie termine ses études en droit et est admis au barreau en 1848 mais il n'apprécie pas son travail de correspondant parlementaire auprès du Président de l'Assemblée Nationale Augustin-Norbert Morin de 1848 à 1851, n'acceptant pas la violence des débats politiques.

    Il devient donc fonctionnaire au ministère des Travaux Publics et se consacrera dès lors à la littérature.

    En 1851, il écrit un Catéchisme politique qui connaît un grand succès et passe quelques mois à Boston en 1852 afin d'améliorer son anglais, devient traducteur à la Chambre de Commerce et, après 1856, assistant bibliothécaire parlementaire dont il prépare le premier catalogue en 1857-1858, le Parlement était alors situé à Toronto.

    En 1859, le gouvernement se transporte dans la ville de Québec et Antoine Gérin-Lajoie se joint au groupe littéraire de l'époque et lance en 1861 Les Soirées Canadiennes, un recueil mensuel de littérature nationale où l'on recueillit également les chansons folkloriques, les légendes populaires et les vieilles coutumes du pays afin que ne se perde pas le folklore de la période prélittéraire du Québec.

    Gérin-Lajoie écrivit son Jean Rivard, (Rivard était le nom de famille de sa grand-mère qu'il adorait) le défricheur au cours de 1862. Ce roman est le premier grand roman écrit au Québec puisque les Anciens Canadiens ne parût qu'en 1863.

  • Il se sentait obligé, par amour pour son pays et par souci de l'avenir des Canadiens français, de prêcher le retour à la terre et la nécessité de la frugalité et d'un dur labeur éclairés par l'instruction. Il évoquait la grande tradition de l'histoire canadienne-française par l'héroïsme du jeune Jean Rivard qui, ayant terminé ses études et ne possédant guère d'autre capital que sa robuste santé, son amour de l'indépendance et de la vie au grand air, son désir de servir son pays, rejette le choix ordinaire entre le départ pour chercher fortune à la ville et l'émigration aux États-Unis, mais entreprend plutôt de vivre durement comme colon. Jean Rivard, avec l'aide d'un seul compagnon, défriche une terre pour lui-même et établit un foyer pour sa bien-aimée. Grâce à son exemple, une nouvelle paroisse naît et un nouveau débouché s'ouvre au surplus de population des vieux établissements des bords du Saint-Laurent, dont un nombre inquiétant de jeunes gens commençait déjà à s'éloigner dans les années 1860. Ils se rapprochaient des villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre et là, fondus dans le creuset américain, ils étaient perdus pour le Canada français. Le livre de Gérin-Lajoie est tout à la fois un guide pour le colon, un sermon inspiré et un traité de sociologie.

    Il eut un tel succès que l'on persuada Gérin-Lajoie de continuer le récit, ce qu'il fait dans Jean Rivard, économiste en 1864. La seconde partie de cette épopée de la colonisation poursuit l'histoire de la ville fondée par Jean Rivard, à mesure qu'elle croît en prospérité. Son héros devient tour à tour maire, commandant de la milice, juge de paix et, finalement, membre du parlement. Il quitte enfin les honneurs de cette charge pour rentrer dans ses terres et y trouver le bonheur, après avoir révélé les secrets de son succès et posé les principes de la réussite en matière de colonisation. Plus clairement que dans le premier livre, Jean Rivard s'y identifie avec Gérin-Lajoie lui-même, qui n'est pas un cultivateur, mais un intellectuel épris de vie rurale. L'auteur établit ainsi un thème littéraire qui fut repris inlassablement par nombre de Canadiens français de l'élite intellectuelle au cours des générations ultérieures, citadins eux-mêmes, mais sincèrement convaincus que le salut de leur peuple était dans le retour à la terre.

  • Il devient entre temps bibliothécaire du Parlement qui était d'abord établi à Québec, provenant de Toronto puis, avec l'Acte de la Confédération de 1867 qui s'établit définitivement à Ottawa.

    Des personnes venant de tous les coins du pays consultaient Antoine Gérin-Lajoie qui avait une connaissance à la limite de ce que peut embrasser l'esprit humain. On lui doit le grand catalogue raisonné de la Bibliothèque Fédérale, un ouvrage de 1,700 pages et il a fondé la bibliographie française du Parlement d'Ottawa qui regorge, on le devinera, de trésors, grâce à ses interventions.

    Après son décès, on publia en 1888, Dix ans au Canada, un précis historique sur la période 1840-1850.

    Par un geste de reconnaissance, envers ce célèbre écrivain, la Commission des Monuments Historiques de la Province de Québec faisait ériger à sa mémoire, lors des fêtes du centenaire de sa naissance (1924), une épigraphe qui se lisait comme suit : Antoine Gérin-Lajoie, auteur de Jean Rivard, naquit dans cette maison, le 4 août 1824 ". Cette ancienne maison, aujourd'hui rénovée, conserve néanmoins ses murs, construits pièce sur pièce. Elle est la propriété actuelle de M. Paul-Ovide Blais, au 160 Petites-Terres. En plus, de ce mémorial, la Municipalité du village a désigné le 8 septembre 1959 "le plus ancien bout de chemin des premiers défrichements de la paroisse" du nom de Gérin-Lajoie. Enfin, d'après une décision de la Commission scolaire de Grandpré, la bibliothèque de l'école primaire porte aussi le nom Gérin-Lajoie, depuis 1977.

    2 députés

    Elzéar Gérin, le frère d'Antoine Gérin-Lajoie, a été député du comté de Saint-Maurice à Québec de 1871 à 1875, fonda plusieurs journaux et publia plusieurs écrits dans les journaux de l'époque.

    Charles Lajoie, le cousin d'Antoine Gérin-Lajoie, fut député du comté de Saint-Maurice à Québec de 1863 à 1867 et député fédéral à Ottawa de 1874 à 1878. Il fut le 3e maire d'Yamachiche de 1860 à 1864.

    Le 1er maire d'Yamachiche

    Le tout premier conseil municipal eut comme maire François Gérin-Lajoie de 1855 à 1858. Il était l'oncle d'Antoine Gérin-Lajoie puisque François était le frère du papa d'Antoine.

    L'un des fils du premier maire, également nommé François, fut conseiller municipal de 1872 à 1874 (il n'y a pas d'indication aux procès verbaux à savoir si c'était le fils ou le père qui siégea comme conseiller municipal, il s'agit d'une simple déduction, le père étant né en 1805 et le fils étant né en 1834).

    C'est encore par déduction que nous associons Paul Évariste Gérin-Lajoie à ce Louis Évariste Gérin-Lajoie qui a été conseiller municipal en 1881-1882. Paul Évariste était le cousin d'Antoine Gérin-Lajoie.

    Clodomir Lajoie a été conseiller municipal en 1935.

    L'un de ses homonymes, Claudomir Gérin-Lajoie a été conseiller municipal du tout premier conseil du village d'Yamachiche en 1887.

    Albéric Gérin-Lajoie a été conseiller municipal de 1915 à 1918.

    Le plus ancien bout de chemin des premiers défrichements de la Paroisse

    Je vous reviens avec cette désignation car elle est la base de la rivalité qui a longtemps entouré la question à savoir quels ont été les premières familles à s'établir à Yamachiche.

    La question n'a pas été résolue: était ce les Gélinas (Gélinas, Bellemare, Lacourse) ou les Lesieur (Lesieur, Desaulniers, Duchesne) ?

    Les historiens sont d'opinion contraire et limitons-nous aujourd'hui au tracé de la rue Gérin-Lajoie dont l'extrémité ouest poprtait le nom de chemin Gérin-Lajoie du temps de la Paroisse, la question de chemin ou de rue n'a pas été réellement clarifiée mais on semble aujourd'hui s'entendre sur la notion de rue.

    Je veux porter votre attention sur le fait que l'extrémité ouest de la rue Gérin-Lajoie, qui se borne à l'autoroute 40 (on peut d'ailleurs voir à cet endroit les cabanes entreposées du centre de pêche blanche Le Martin Pêcheur) est très proche de l'embouchure de la Petite Rivière Yamachiche.

    Comme les rivières ont été les premières voies de navigation, on voit que c'est de cet endroit que se sont implantés les Gélinas dans un endroit qu'on nommait le Petit Machiche (à cause de la Petite Rivière Yamachiche)

    Les Lesieur s'étaient implantés près de l'embouchure de la Grande Rivière Yamachiche à un endroit qu'on appelait conséquemment le Grand Machiche.

    Regardez sur la carte et vous comprendrez que la rue Gérin-Lajoie est si près de l'embouchure de la Petite Rivière Yamachiche qu'elle est la toute première (ou l'une des premières...) voie de circulation à Yamachiche.

    Le village s'agrandit

    Le 9 mai 1957, Émile Pellerin qui siégeait alors comme conseiller municipal, devient maire et prend en charge la construction du tout nouveau réseau d'aqueduc qui s'alimente par des puits artésiens situés à Pointe-du-Lac.

    Ça ne traînera pas.

    1. Louiseville veut s'associer dans un projet commun en alimentation aqueduc mais les élus considèrent que le projet "Pointe-du-Lac" est trop avancé pour attendre que Louiseville prenne position.
  • 2. Le conseil achète le réseau d'aqueduc d'Armand et Maurice Vaillancourt provenant du chemin Desaulniers et le revend à la Paroisse d'Yamachiche.

    3. La Paroisse veut se raccorder au réseau. Elle pourra le faire à condition qu'elle paie ses infrastructures, le tout sous réserve qu'il y ait suffisamment d'eau.

    4. Les servitudes de droit de passage sont acquises en quelques semaines.

    5. On emprunte 250 000 $ pour l'ensemble des ouvrages, une subvention gouvernementale de 75 600 $ sera obtenue grâce à la collaboration d'Omer Jules Desaulniers et aux contacts très fréquents et très amicaux qu'entretenait le maire Émile Pellerin avec son grand ami Maurice Duplessis, alors premier ministre du Québec. Il était grand temps puisque l'on sait que Maurice Duplessis est décédé en septembre 1959.

    6. Trois secteurs situés en périphérie du village veulent de l'eau, le maire Pellerin leur indique qu'ils doivent alors s'annexer, ce qu'ils accepteront. Ironie du sort, il n'obligera pas le secteur où l'on retrouve aujourd'hui Duchesne et Fils ltée, Marcel Bérard ltée et la Coop Agrivert à s'annexer. Le maire Raymond Bellemare devra en 1987 s'associer à ce secteur qui avait besoin d'eau pour vouloir l'annexer au village, ce qui entraînera un nouveau conflit paroisse/village qui se terminera par rien de moins qu'un regroupement et la création d'une unique municipalité, celle que l'on connaît aujourd'hui.

  • Une fois ce territoire annexé, l'équipe du maire Émile Pellerin donnera le nom de Gérin-Lajoie à la route qui menait à l'embouchure de la Petite Rivière Yamachiche au Lac-St-Pierre, ce qui n'est plus le cas depuis la construction de l'autoroute 40. La route du lac comme on l'appelait également menait à des chalets du côté ouest de la rivière alors que pour accéder aux chalets de l'autre rive, il fallait emprunter la cour de la ferme Jean et Jacques Bergeron, au sud du pont Gélinas qu'on appelait également le pont de la Bezotte.

    On n'explique pas au procès-verbal le motif pour lequel on a adopté le nom de Gérin-Lajoie mais le conseil municipal a été confronté aux désirs de certains résidants qui voulaient l'appeler rue Lacerte à cause des trois familles Lacerte qui y habitaient, ces résidants désiraient plutôt que l'appellation Gérin-Lajoie soit donnée aux Petites Terres, là où se trouvent les terres ancestrales de la famille Gérin-Lajoie. On suspendit même le nom de Gérin-Lajoie, le temps de la séance du 5 juin 1961, mais comme vous pouvez le constater, la rue porte toujours l'appellation Gérin-Lajoie et c'est une autre rue qui porte l'appellation Lacerte comme nous le verrons la semaine prochaine.

     

    Paul Desaulniers

    Pour voir la carte cliquez ici

    ____________