Rue Dumoulin

 

Sévère-Nicolas Dumoulin a été le curé d'Yamachiche de 1825 à 1853.

Il ne perdra pas son temps en instaurant des visites de paroisse, ce qui lui permit de connaître tout son monde et leurs aspirations et surtout, de pouvoir mettre à contribution toute la communauté pour ses multiples projets. À cette époque, Saint-Barnabé et Saint-Sévère faisaient partie du territoire d'Yamachiche, ce qui veut dire que le curé Dumoulin devait couvrir un territoire de 6 milles par 15 milles pour connaître ses 3000 résidants.

Cette profonde connaissance des gens amena le curé Dumoulin à apporter de profondes réformes:

  • 1827 : Le curé Dumoulin organise en juillet un grand rassemblement religieux auquel assiste une foule évaluée à 3000 personnes. Il avait bien sondé sa population car ces grandes fêtes serviront et l'Église et la communauté.

    1828 : Les visites de paroisse amèneront rapidement le curé Dumoulin à conclure que s'il trouvait long de se rendre à Saint-Barnabé et à Saint-Sévère par des routes peu carrossables, ce l'était tout autant pour ses paroissiens.

    Il obtint un décret de l'évêque de Québec, le 2 novembre 1828, par lequel les rangs Saint-Joseph, Bellechasse et Pique-Dur étaient détachés d'Yamachiche pour former une nouvelle paroisse du nom de Saint-Barnabé.

    La place de l'église fut marquée en 1829 et la première pierre bénite en octobre 1830 mais, devant l'opposition, on permit la création de deux paroisses : Saint-Barnabé et Saint-Sévère.

  • 1831 : Restauration de l'église d'Yamachiche par la construction d'une sacristie et du jubé, la réfection de la couverture en fer-blanc et l'addition de deux imposantes tours. La communauté avait contribué de 30,000.00 $ à l'époque pour ces travaux qui furent exécutés par l'architecte Alexis Milette.

    1832 : Le réputé sculpteur Thomas Baillargé termine la statue de Sainte-Anne qu'on peut encore vénérer au cimetière d'Yamachiche.

    Cette statue en bois doré, haute de neuf (9) pieds, fut hissée sur le toit de l'église, au-dessus du grand portique.

    Le curé Dumoulin avait bien décelé chez ses ouailles une ferveur qui ne s'estompera pas.

    La statue de sainte Anne a vite acquis sa réputation de statue miraculeuse grâce à des guérisons et des interventions inexplicables et Yamachiche devint, peu après le décès du curé Dumoulin, un important centre de pèlerinage.

    En ce qui concerne la statue elle-même, on la descendit du toit 36 ans plus tard, en 1868, pour la placer, sans précautions, à l'entrée du cimetière. Mais elle se détériora rapidement parce que des pèlerins en détachaient des parcelles sans compter qu'à quelques 70 pieds de haut pendant 36 ans, les intempéries l'avaient considérablement endommagée.

    Pendant l'hiver 1876-1877, les architectes Héroux la restaureront.

  • Elle fut réparée, dorée à neuf, placée sous un pavillon d'ordre architectural dorique grec, surmonté d'un serpent d'airain puis on la déplaça plus tard à son endroit actuel en l'enchâssant de grandes vitres pour la protéger des intempéries.

    1843 : Le curé Dumoulin obtient, par l'intermédiaire de son évêque, la phalange du petit doigt de la main gauche de sainte Anne qu'on avait coupée de la main, toujours gardée à Caucasse près de la Méditerranée en France, ville reconnue pour ses murailles du Moyen-Âge et où se trouve le tombeau de Sainte Anne depuis les débuts de la chrétienté. Cette relique avait été enchâssée dans l'argent et c'est par une fête grandiose qu'on la reçut à Yamachiche.

    Le curé Dumoulin avait son idée, reprendre une ancienne tradition qui manquait terriblement aux gens d'Yamachiche : Les fêtes de la sainte Anne.

    En 1801, le curé Thomas Kimber d'Yamachiche écrivait à l'évêque de Québec :

  • ..."Je me trouve cette année dans l'obligation de vous adresser la présente à l'occasion des désordres qui se commettent souvent le jour de Sainte-Anne, fête patronale de ma paroisse. Depuis plusieurs années, je ne manque pas, le dimanche précédant la fête, de faire des exhortations pour réprimer les désordres qui vont sans cesse grandissant en ces jours de grandes solennités. ...

    ... L'année dernière, la veille et le jour de la fête ont été des jours d'ivrogneries, de batailles, de blasphèmes; des coups ont été donnés dans l'église, même pendant les vêpres....

    ...De plus, j'ai dû me barricader dans mon presbytère pour me protéger et avoir la tranquillité; tout ceci à cause de certains groupes de fiers-à-bras, soi-disant pèlerins, venant du nord et du sud depuis Lanoraie jusqu'à Batiscan."...

  • Monseigneur Denaut s'était rendu aux arguments du pauvre curé en décrétant que la fête de sainte Anne ne serait plus célébrée à Yamachiche.

    Le curé Dumoulin s'adressa donc, 45 ans après ces événements, à Monseigneur Signay afin d'obtenir la permission de célébrer à nouveau solennellement chaque année la fête de sainte Anne à Yamachiche, ce qu'il obtint en 1846.

    À compter de cette année-là, les fêtes de la sainte Anne devinrent de plus en plus grandioses et les pèlerins affluèrent à nouveau, d'autant plus qu'on releva de nombreux miracles directement attribuables à sainte Anne, l'église ayant tout un pan de mur où s'accumulaient béquilles, bandeaux, lunettes et de nombreuses guérisons ayant été relatées par les historiens d'Yamachiche.

    1844 : Le curé Dumoulin se rend en Italie, en Suisse et en France. À Saint-Pierre-de-Rome, il obtient du Saint-Père des ossements de trois saints martyrs des Catacombes; sainte Eutychiane, saint Anicet et saint Victorius.

    À Paris, il fit sculpter une représentation en cire de sainte Eutychiane et fit placer dans le buste les ossements des trois saints pour ses paroissiens. Il fit également exécuter une représentation miniature de sainte Eutychiane enchâssée dans un riche reliquaire en vitre qu'on peut toujours voir à la chapelle du monastère des Ursulines de Trois-Rivières.

    À son retour à Yamachiche, en 1845, dans une grandiose cérémonie, le curé Dumoulin déposa la statue de cire de sainte Eutychiane, grandeur nature et richement parée, dans une châsse vitrée.

    Les paroissiens du curé Dumoulin étaient plus que comblés, leur curé avait su imager la splendeur qui allait souder cette fierté des gens d'Yamachiche dans le culte et le respect des choses saintes.

    1847 : Le curé Dumoulin fit construire l'actuel presbytère de 60 pieds de façade par 40 pieds de profondeur, à un seul étage.

    En façade et sur le pignon nord, il fit employer de la pierre de taille alors qu'il prit des roches et des blocs irréguliers pour les 2 autres côtés.

    On y compte pas moins de 7 lucarnes qui percent le toit à pignons de versants droits en façade et 7 autres lucarnes à l'arrière qui ne sont toutefois pas alignées comme à l'avant.

    Un petit bâtiment carré, également en pierre, est relié au presbytère par un escalier et les spécialistes des Affaires culturelles prétendent qu'il pourrait s'agir d'une latrine, un modèle similaire se retrouvant au château Bellevue à Saint-Joachim.

    Notre généalogiste Jeannine Desaulniers croit plutôt qu'il s'agit d'une laiterie, ce petit bâtiment ayant été relocalisé de l'ancienne église. Elle raconte qu'à leur propriété du Chemin Desaulniers, on entreposait ainsi de la glace du côté nord, là où il n'y a pas de soleil, afin de protéger les produits périssables.

    Qui donc construisit le presbytère ?

  • En 1847, Alexis Milette avait 54 ans et Georges-Félix Héroux, son futur gendre, avait 14 ans. Hors de tout doute, Alexis Milette a construit l'actuel presbytère et non le précédent qui date de 1803 car il n'avait alors que 10 ans. Il y a donc une erreur dans le volume de l'historien J.-Alide Pellerin.
  • 1850 : Le curé Dumoulin met sur pied une fanfare qui rendra les grandes fêtes encore plus solennelles. La ''Philharmonique Sainte-Anne d'Yamachiche'' permettra une culture musicale qui se reflétera dans toutes les familles. Des choeurs et chanteurs réputés marqueront l'histoire d'Yamachiche.

    Aucun historien ni procès-verbal municipal ne traitent de la construction du kiosque qui était situé en face du cimetière. Il restera à vérifier si les procès-verbaux de la Fabrique mentionnent sa construction. Probablement construit du temps du curé Dorion, la tradition orale l'attribue à deux menuisiers des architectes Héroux, principalement un dénommé A. Lamy.

    De forme octogonale, il était tout en bois et fort apprécié et était le lieu de rassemblement le plus populaire pour les concerts de la fanfare mais aussi pour les débats politiques, les discours patriotiques et les allocutions réservées aux notables et jeunes gradués en droit et en médecine qu'on invitait à parler publiquement pour débuter leur carrière.

    La fanfare devint plus que centenaire puisque c'est dans les années 1980, modernité oblige (!!!), qu'on cessât toutes activités, faute non pas de musiciens compétents mais par manque de disponibilité des gens, occupés par de nouveaux loisirs dont assurément la télévision.

    1852 : Le curé Dumoulin construit une vaste maison de 80 par 40 pieds. Ce sera le Couvent des Soeurs de la Congrégation Notre-Dame pour l'instruction des jeunes filles.

    Auparavant, un enfant sur 12 fréquentait l'école et les instituteurs étaient recrutés à Trois-Rivières. Le curé Dumoulin mettait ainsi fin à la dispendieuse obligation des parents de faire instruire leurs garçons au collège de Nicolet et leurs filles chez les Ursulines à Trois-Rivières.

    Le couvent débute ses activités en octobre 1952 et les terminera en janvier 1978, année de l'ouverture de l'école Omer-Jules-Desaulniers.

    1853 : Le curé Dumoulin fait aménager le presbytère de pierre qui servait d'école aux laïques pour l'instruction des jeunes garçons qui sera dispensée par les frères des Écoles Chrétiennes du 24 août 1853 jusqu'à leur départ, le 13 juillet 1967.

  • Le 17 novembre 1980, le conseil municipal acceptait l'appellation de rue Dumoulin afin de faire mieux connaître cet homme exceptionnel qui a doté Yamachiche de sa statue miraculeuse, de ses reliques, de ses fêtes à sainte Anne, de son presbytère actuel, de sa fanfare, de son Couvent, de son Collège et qui a permis aux gens de Saint-Barnabé et de Saint-Sévère de se constituer en communautés distinctes.

    La vie de cet homme fut d'autant plus intense qu'il fonda une mission au Manitoba et évangélisa également une tribu dans le Haut Saint-Maurice.

     

    Paul Desaulniers

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