Le Nouvelliste 30 juillet 1999

Lac Saint-Pierre: le comité ZIP outré

Une bourde du MEF met tout le monde dans l'eau chaude

Brigitte Trahan
Louiseville

Le comité de Zone d'intervention prioritaire (ZIP) du lac Saint-Pierre est outré.

La condition numéro 5 du décret ministériel sur les travaux de dragage des quais 14 et 15 de Sorel et le rejet en eaux libres des sédiments en face d'Yamachiche n'a pas été respectée.

La compagnie James Richardson international Ltée était en effet ténue légalement par cette clause d'inviter les organismes et citoyens ayant pris part aux débats du Bureau d'audiences publiques en environnement, dans ce dossier, à élire un observateur indépendant. Or, ces gens n'ont pas été contactés et un observateur, M. Normand Gariépy, a été invité par la compagnie sur la recommandation du ministère de l'Environnement et de la Faune.

Selon M. Nicolas Lepage, chargé du projet à la firme Dessau-Sauprin, cela s'est fait sur la recommandation du fonctionnaire du ministère de l'Environnement qui travaillait au dossier à ce moment. "On est tous mal à l'aise", dit-il. "On n'a jamais voulu faire de la cochonnerie."

La condition numéro 5 du décret ministériel sur les travaux de dragage des quais 14 et 15 de Sorel et le rejet en eaux libres des sédiments en face d'Yamachiche n'a pas été respectée

La directrice du comité ZIP du lac Saint-Pierre, Mme Jacynthe Bourgeois, n'en revient tout simplement pas et se demande comment on a pu outrepasser ainsi cette obligation légale qui est rattachée à l'autorisation d'effectuer les travaux de dragage.

Interrogé sur les motifs de son geste, le directeur de James Richardson international, M. Fernand Roy, dit avoir été conseillé à ce sujet par le ministère de l'Environnement et de la Faune. M. Roy assure que personne ne lui a dit qu'il fallait que l'observateur soit élu par les gens du milieu. Il ajoute qu'au contraire, le MEFQ lui même a fourni le nom de M. Gariépy. "Normand est bien mal à l'aise là-dedans et nous, on a l'air fou", estime-t-il.

Normand Gariépy, c'est l'ancien président du comité ZIP. Il est aussi président de la Société de conservation du Bas-Richelieu et le moteur qui fait avancer le projet visant à faire du lac Saint-Pierre une biosphère de l'Unesco.

Il avoue lui même qu'il n'était pas chaud à l'idée d'accepter la tâche d'être observateur dans le dossier du dragage, n'ayant pas été validé par le milieu. Mais on lui aurait expliqué qu'il fallait agir vite puisque plusieurs navires ne pouvaient plus avoir accès au port de Sorel à cause du bas niveau de l'eau.

Ce raccourci aurait donc été décidé par Richardson et le ministère de l'Environnement "à cause de l'urgence des travaux", croit M. Gariépy.

Cette justification ne tient pas, affirme pour sa part Jacynthe Bourgeois. "Si on avait pris la peine de nous appeler, on aurait pu désigner quelqu'un en moins d'une journée", assure-t-elle.

L'actuel responsable de ce dossier au MEFQ à Québec, M. Serge Pilote, explique que le ministère "ne peut pas arriver en arrière à tout moment et dire, écoutez: telle clause, telle clause, vous faites ci, vous faites ça. Il faudrait une quantité phénoménale de personnes pour faire ce suivi-là", fait-il valoir.

M. Pilote ajoute que si les promoteurs n'ont pas contacté les participants aux audiences du BAPE pour qu'ils désignent un observateur, "on va leur rappeler qu'ils doivent le faire", dit-il.

"Quand le décret a été signé, je l'ai envoyé à la compagnie avec le certificat d'autorisation", précise M Pilote. "Cette clause permettant la nomination d'un observateur indépendant, c'est tout nouveau. Est-ce qu'il y a eu une incompréhension. Au-delà de ça, je ne sais pas quoi dire", ajoute-t-il.

M. Pilote ajoute qu'il aurait et de la difficulté à faire une rencontre rapide des participants aux audiences publiques pour nommer un observateur car "j'ai appelé pour avoir l'adresse des groupes et des citoyens. Celle des citoyens, je ne peux pas l'avoir. C'est un renseignement nominatif qui ne peut pas être diffusé", dit-il. Toutefois, le nom de tous ceux et celles qui ont déposé un mémoire lors des audiences est indiqué à la fin du rapport d'enquête, en page 79.

Peut importe d'où vient la faute, "on n'a pas à payer la note parce qu'il y a des personnes qui ne savent pas lire", fait valoir Jacynthe Bourgeois. En agissant de la sorte, le ministère et le promoteur ont mis de côté "un aspect communautaire important", calcule-t-elle. "Les audiences publiques ont coûté cher."

Bien que plusieurs personnes ont entendu dire que M. Gariépy quitterait son poste, ce dernier a déclaré au Nouvelliste qu'il l'occupera jusqu'à la fin des travaux, soit en août ou septembre. Il veut profiter de cette occasion pour surveiller davantage les intérêts du lac Saint-Pierre

Le 25 août en effet les présidents de L'homme et la biosphère et de l'Association canadienne de la biosphère seront de passage dans région pour annoncer que le lac Saint-Pierre correspond a tous le critères pour faire partie de la biosphère de l'Unesco.

Pour sa part Jacynthe Bourgeois du comité ZIP estime qu'il faudra qu'une demande soit faite pour permettre au milieu de designer son propre observateur "Pour l'instant il est trop tard le dragage est presque terminé mais pour plus tard faudra le faire" dit elle Mme Bourgeois se demande si des sanctions seront prises a l'endroit de ceux qui ont pris la décision d'outrepasser l'article 5 du décret.

Quant à la firme Dessau-Sauprin, elle entend se reprendre et mettre à contribution ses spécialistes en relations avec le milieu lors du prochain dragage qui aura lieu d'ici deux ou trois ans. On tentera alors de respecter davantage le décret du ministre.

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