Le Nouvelliste 28 avril 1999

Éditorial

Le bogue de l'emploi

Ginette Gagnon

Pourquoi un abattoir de Yamachiche, qui ne recherche pas des diplômés universitaires rares, est-il incapable de recruter tout le: personnel dont il a besoin alors que tant de gens végètent au chômage? Paresse endémique ou cafouillage dans le système de l'offre et de la demande?

Bien sûr qu'il y aura toujours des chômeurs et des assistés sociaux pour se traîner les pieds ou lever le nez sur des emplois rémunérés modestement en attendant un hypothétique pactole. Mais évitons de sombrer dans les préjugés faciles. D'ailleurs, à la suite de la nouvelle parue, hier, dans Le Nouvelliste, l'abattoir Uni-viande a reçu une soixantaine d'appels. Tiens donc!

Il faut voir le nombre impressionnant de candidats qui se pressent depuis un an dans les différentes foires de l'emploi, comme à Drummondville, pour réaliser qu'il y a une solide volonté de travail parmi nos gens. Alors où est le problème? Dans le manque de communication entre les besoins des uns et les attentes des autres, entre le milieu de l'éducation et les entreprises.

Le plus désolant, c'est que c'est justement ce que devait solutionner la création des CLE, les Centres locaux d'emplois qui ont regroupé il y a deux ans les fonctionnaires fédéraux et provinciaux qui s occupaient de main-d'oeuvre et ceux qui avaient la responsabilité de la clientèle des assistés sociaux.

On promettait un beau guichet unique libre-service qui allait aider les entreprises à trouver leur monde et les travailleurs à se décrocher une niche. Or, le constat est épouvantable d'un bout à l'autre du Québec: le système est toujours mal rodé. La cohabitation des clientèles d'assistés sociaux et de chômeurs est laborieuse. Des employeurs, semble-t-il, ne veulent pas fréquenter les CLE de peur qu'on pense qu'ils sont des bénéficiaires de prestations d'aide sociale...

On dit qu'entre 10 et 15% seulement des emplois disponibles sont annoncés dans les réseaux publics d'où la réaction de certaines municipalités à mettre sur pied des foires de l'emploi pour établir des contacts directs entre travailleurs et employeurs.

Le problème n'est pas que régional bien qu'il soit encore plus indécent dans la région trifluvienne à cause du fort taux de chômage qui nous assomme.

L'an dernier, c'était une petite manufacture de couture de Saint-Élie qui lançait un S.O.S. pour trouver du personnel, cette fois c'est un abattoir de Yamachiche. Dans les deux cas, il s'agit d'emplois qui ne nécessitent pas une formation académique pointue. Et c'est justement dans ce bassin de main-d'oeuvre qu'on compte le plus grand nombre de sans-emploi.

En gros, la situation de l'emploi au Québec reste désespérante. On a vécu le creux de vague du début de la décennie où les emplois étaient introuvables. Voilà maintenant qu'on constate une reprise, mais qu'on ne trouve pas la main-d'oeuvre qu'il faut! Des entreprises retardent à prendre de l'expansion parce qu'elles ne sont pas assurées d'avoir les gens qu'il faut pour faire face à la musique. C'est incroyable.

Par exemple, l'an dernier, l'École du meuble et du bois ouvré de Victoriaville a produit 12 finissants alors que l'École a reçu 60 demandes de la part des entreprises.

Il y a un boom actuellement dans le meuble comme dans la couture d'ailleurs mais ces deux secteurs ont souffert d'être taxés de "secteur mou" dans les années 80 et ils ont fait fuir les candidats. Comment se fait-il qu'on soit incapable de véhiculer les bons messages? Comment se fait-il qu'on peine à mettre en place un maillage efficace entre travailleurs et entreprises? Cet échec est une véritable honte pour les autorités publiques..

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