Le Nouvelliste 25 janvier 2013

 

De la pyrrhotite dans les ponts et les routes

Il y a de la pyrrhotite dans certains ouvrages du MTQ dont le pont sur le chemin des Dalles,
 à Saint-Étienne-des-Grès.

PHOTO: FRANÇOIS GERVAIS

 

BRIGITTE TRAHAN

(Trois-Rivières) Une dizaine de structures en Mauricie, dont neuf appartenant au ministère des Transports du Québec, contiennent des proportions importantes de pyrrhotite.

 

C'est ce que révèle une étude réalisée à ce sujet, en novembre dernier, par l'Université de Sherbrooke en vue du présent procès sur la pyrrhotite.

L'étude confirme non seulement que ces ouvrages civils contiennent de la pyrrhotite, mais ils ont aussi été construits au cours de la même période que les résidences inscrites au procès, soit entre 2003 et 2008.

Le béton a été fourni par les deux bétonnières visées par le procès, soit Construction Yvan Boisvert et Béton Laurentide et le béton fourni par ces entreprises contient des granulats riches en pyrite et en pyrrhotite provenant de la tristement célèbre carrière B & B, elle aussi au banc des accusés.

À Yamachiche, d'autres ponts au-dessus de la rivière faisaient partie de l'étude de l'Université de Sherbrooke.

PHOTO: ÉMILIE O'CONNOR

L'étude conclut toutefois que malgré leur âge, ces structures ne présentent actuellement aucune trace d'usure prématurée ou de fissuration anormale. Il faut toutefois noter que cette étude a été réalisée pour le compte deSNC-Lavalin, une des parties poursuivies dans le litige.

D'autres parties impliquées dans le procès demandent présentement la possibilité de prélever des échantillons dansles mêmes ouvrages afin de pouvoir vérifier les conclusions de l'étude.

Le pont d'étagement au-dessus de l'autoroute 40, sortie 166, à Louiseville est visé par l'étude.

PHOTO: ÉMILIE O'CONNOR

On se rappellera qu'au début du procès, plusieurs propriétaires ont raconté à la cour que leurs fondations, qui contenaient de la pyrrhotite, n'ont présenté aucun signe visible d'endommagement pendant des années. Ils ont ensuite constaté l'apparition subite de fissurations qui se sont mises à se multiplier à un rythme rapide.

Le scientifique qui a produit l'étude de l'Université de Sherbrooke, Kamal H. Khayat, professeur titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG sur les bétons à haute performance fluides à rhéologie adaptée, conclut que le béton des ouvrages civils examinés»ne présente aucun signe de dommage qui pourrait être attribuable à un gonflement interne du béton.

De façon générale, le béton de ces structures (des réfections le plus souvent) apparaît tout à fait sain, malgré que dans certains cas, les réfections datent de plus de neuf ans», dit-il.

Le chercheur précise toutefois que «les bétons utilisés dans la construction des ouvrages en question sont d'une classe différente de celles utilisées pour les constructions résidentielles.»

Par exemple, les fondations de résidences privées ont un taux de résistance à la compression de 20 MPa (mégapascal) tandis que ce taux est de 35 MPa pour les ouvrages civils examinés.

Outre les différents ouvrages dont il est question, l'étude fait aussi mention de travaux de réparation à l'Hôpital du Centre-de-la-Mauricie à Shawinigan-Sud, aux entrées et stationnements.

Le chercheur signale que «certains pourraient avancer l'argument que l'absence de dommages visibles de l'extérieur ne signifie pas que le béton n'est pas endommagé à l'intérieur ou que le processus de dégradation n'est pas en train de se développer».

Afin de vérifier cette hypothèse, les chercheurs disent avoir demandé au ministère des Transports la permission de prélever des échantillons.

Selon l'analyse, «ce béton est en excellent état».

«Malgré son âge et les conditions climatiques sévères auxquelles il a été soumis, il n'a nullement été affecté par quelque phénomène de réaction d'oxydation du granulat même si celui-ci contient une proportion importante de sulfures de fer, notamment de la pyrrhotite.

Ces conclusions devraient faire l'objet de discussions intéressantes entre les experts, au cours du procès, puisque l'expert de SNC-Lavalin signale que «la seule présence de sulfures de fer (pyrrhotite, pyrite) dans les granulats ne peut à elle seule entraîner les dommages observés.»

Selon le professeur Khayat, «une formulation inadéquate, un dosage en eau trop élevé (au moment de la coulée), une porosité et une perméabilité à l'eau trop importantes, des fissures ou des vides internes ou encore un mûrissement inadéquat du béton, doivent être présents pour que les réactions puissent prendre forme et endommager le béton».

Le procureur de SNC-Lavalin, Me Jean-François Bienjonetti, a d'ailleurs questionné une trentaine d'entrepreneur en construction, cette semaine, au sujet de l'eau qui est parfois ajoutée au béton au moment de la coulée afin de lui donner la fluidité adéquate. Le procureur voulait savoir qui décide d'ajouter de l'eau et selon quelles normes.

Interrogé au sujet des neuf cas qui le touchent, hier, le ministère des Transports explique que «ce sont des granulats qui ont été utilisés pour des réparation mineures. Il n'y a aucune inquiétude ou préoccupation au sujet de l'intégrité ou de la capacité de ces structures-là», signale la porte-parole Brigitte Blais. «On examinera ça de près pour voir s'il y a des conséquences», dit-elle.

LES TRAVAUX ET LES OUVRAGES VISÉS PAR L'ÉTUDE

La construction de la bordure de la route 157, côté droit, allant vers le nord, à la croisée du rang Saint-Louis.

La réfection des ponts de l'autoroute 40 au-dessus des rivières Yamachiche et Champlain (2 structures).

La réparation de deux ponts d'étagement au-dessus de l'autoroute 40, sortie 166, à Louiseville et route Livernoche, à Maskinongé.

La réparation du pont sur la route Guérin, à Saint-Justin.

La réparation du pont au-dessus de la rivière Maskinongé à Saint-Édouard-de-Maskinongé.

La reconstruction d'un ponceau, route 351, à Charette.

La réparation du pont au-dessus de la rivière Yamachiche, chemin des Dalles, Saint-Étienne-des-Grès, Saint-Barnabé-Nord.

 

 

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