Le Nouvelliste 14 août 2008
Kunipac indispensable aux petits producteurs
Brigitte
Trahan
Trois-Rivières
La fermeture de l'abattoir Kunipac de
Trois-Rivières fait mal à plusieurs producteurs de la région. Un certain
nombre d'entre eux ont formé, il y a quelques jours, un comité dans
l'espoir de relancer les activités d'abattage multi-espèces dans
l'usine.
Producteur depuis une quinzaine
d'années de poulets certifiés biologiques, Jean-Pierre Clavet de
la ferme Le Crépuscule d'Yamachiche est inquiet pour son avenir.
«Il faut qu'il se passe quelque chose parce qu'il faut
maintenant que j'aille faire abattre mes poulets à
Drummondville, s'ils veulent bien me prendre, quand ils ont du
temps. Ça met l'entreprise en péril à cause de ça. J'ai voulu
faire abattre à Saint-Apolinaire, mais ils n'ont jamais voulu me
prendre. Les plus gros sont bienvenus, mais quand tu arrives
avec de petits lots, oublie ça», déplore le producteur.
«Si je n'ai plus de place où faire abattre, on ferme les
portes», dit-il, exaspéré.
«Je pense que les gros ne veulent plus de petits. Même dans le
biologique, ça fait longtemps que je l'avais prédit, l'industrie
est arrivée dans le biologique et ce sont les grands de ce monde
qui s'installent. J'espère que le gouvernement aidera les petits
avec différentes mesures», dit-il.
Faire abattre en Ontario |
Jean-Pierre Clavet, propriétaire de la ferme
biologique Le Crépuscule d'Yamachiche, estime qu'il devra fermer
boutique s'il ne trouve plus d'endroit où faire abattre ses
poulets.
Photo: Stéphane Lessard |
Maxime Tessier, propriétaire de Laprodeo, un des plus
importants producteurs de lapins du Québec, à Saint-Tite, faisait
abattre ses animaux chez Kunipac à Trois-Rivières avant la fermeture.
Aujourd'hui, il doit acheminer ses lapins en Ontario.
«Trois-Rivières était à 35-40 minutes de chez moi. Là, il faut que je
monte à Drummondville, à une heure et quart de route, pour me rendre
chez Lapinière Drummond qui fait la livraison en Ontario"» raconte-t-il.
M. Tessier ne cache pas que la situation gruge directement dans ses
revenus.
Pour pouvoir commercialiser ses lapins, il doit aussi les faire abattre
à Saint-Henry-de-Lévy (1 h 45 de route) puis qu'il ramène les carcasses
dans une salle de découpe de catégorie provinciale.
Avant, ces deux étapes se faisaient directement chez Kunipac.
Les frais de production de M. Tessier ont donc augmenté d'au moins de 10
%, calcule-t-il sommairement.
Selon lui, il n'y aucune doute que l'abattoir Kunipac doit être relancé
et il se dit prêt à contribuer à son rachat avec d'autres intervenants
si les sommes à investir ne sont pas astronomiques, précise-t-il.
C'est son père, Gérald Tessier, qui avait fait construire cet abattoir.
«C'est lui qui a fait le plan d'affaires», ajoute-t-il.
M. Tessier père a d'ailleurs l'intention de montrer son plan d'affaires
au comité de relance, raconte son fils.
«En coopérative, ça risque de fonctionner parce qu'on amène du volume»,
dit-il.
Volonté politique
Selon Jean-Pierre Clavet, «il faut que le gouvernement
ait une volonté politique pour aider les petits.»
Entre-temps, les producteurs s'inquiètent.
Stéphane Gagnon, qui possède un petit élevage de poulets à Saint-Maurice
(Poulet de grain Gym) avec sa conjointe, fait abattre sa production à
Drummondville tout comme M. Clavet.
Bien qu'il arrive chaque fois avec un lot de 1000 poulets, «on est dans
les plus petits, là-bas. Ce n'est pas une sécurité», explique-t-il.
Ce dernier estime qu'il faut redémarrer l'abattoir trifluvien.
«Ce serait intéressant d'avoir le service de découpe aussi parce qu'on
ne vend pas juste des poulets entiers», plaide-t-il.
M. Gagnon estime qu'un problème se pointe toutefois à l'horizon.
Il n'y a pas beaucoup de petits producteurs pour espérer faire vivre un
abattoir à moins d'aller en chercher à l'extérieur.
«J'ai cinq élevages par année. C'est à peine cinq jours d'ouvrage pour
un abattoir», illustre-t-il.•
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