Le Nouvelliste 31 mars 2008
DOSSIER PATRIMOINE

Vers la Grande rencontre citoyenne
Dans le cadre de la prochaine Grande rencontre citoyenne qui aura lieu le 3 avril prochain sous le thème: Le patrimoine: est-ce que ça vaut le coup?, Le Nouvelliste vous propose une série d'articles relatant la rencontre avec des personnes inspirées qui travaillent à préserver respectivement leur maison, leur rue, leur quartier, un site historique et un paysage. Toutes ont leurs propres motivations mais toutes ont aussi un point en commun: une passion peu commune pour l'histoire de leur coin de pays.

L'enfilade des maisons rouges d'Yamachiche 

Protéger une rue, est-ce que ça vaut le coup?

«Oui, cela cimente l'appartenance au milieu»
- le maire Isabelle

Louise Plante
louise.plante@lenouvelliste.qc.ca

Yamachiche — Yamachiche retient son souffle. D'ici juillet si tout va bien, la célèbre enfilade d'une douzaine de maisons de briques rouges de la rue Sainte-Anne sera reconnue officiellement par le ministère de la Culture. La ministre Christine Saint-Pierre a déjà signé un avis d'intention à cet effet.

«Dans notre cas, on ne parle pas de «sauver» des maisons d'intérêt historique (1850-1900), précise le maire Michel Isabelle, car les propriétaires les avaient déjà sauvées et cela sans contrainte aucune.»

Tout de même, les Yamachichois n'auront l'esprit tranquille que lorsque leurs chères maisons, uniques au Québec, seront définitivement à l'abri d'un propriétaire moins sensible à leur beauté.

Cette reconnaissance de Québec permettra par ailleurs aux résidents de ces maisons de bénéficier de soutien dans leurs efforts de préservation.

Il faut dire qu'on ne rigole pas avec l'Histoire à Yamachiche. Tous les murs de l'hôtel de ville, tapissés d'une centaine de photos, racontent le passé de cette fière localité, patrie de nombreux constructeurs d'églises et d'une flopée de députés, d'écrivains et d'historiens.

Un circuit patrimonial de 12 panneaux d'interprétation a aussi été mis en place lors des fêtes du tricentenaire du village et on a profité de l'événement pour faire numériser toutes les photos anciennes qu'on a pu trouver dans les greniers et les sous-sol des résidences.

Yamachiche sait où elle va parce qu'elle sait très bien d'où elle vient.

Ce n'est pas d'hier que le conseil municipal et plusieurs bénévoles s'intéressent de près à la sauvegarde des maisons rouges (construites avec des briques provenant d'une ancienne usine d'Yamachiche). Une première tentative de classement avait d'ailleurs avorté il y a plusieurs années, un des résidents (déménagé depuis) s'y opposant farouchement. Mais la municipalité n'a jamais jeté l'éponge et surtout, elle a fait preuve de sensibilité dans son approche.

Par ailleurs, l'important investissement qu'elle a consenti récemment pour faire enfouir les fils devant ces maisons, et ce avec l'accord de tous les contribuables, est venu encore ajouter du poids à son désir d'aller de l'avant avec la reconnaissance de ces belles maisons bourgeoises.

Le maire Isabelle n'est pas peu fier du soutien de toute sa population dans ce dossier. Sans compter que Yamachiche y a aussi gagné de nouveaux lampadaires.

Le dossier de la reconnaissance des maisons est donc revenu sur la table de travail du conseil et la Commission des biens culturels du Québec n'a pu que constater la réelle motivation de la municipalité et celle des propriétaires. Malgré des démêlés avec quelques fonctionnaires, le dossier n'a jamais été en si bonne voie d'aboutir.

Mais pourquoi tant tenir à cette reconnaissance si ces maisons, par ailleurs privées, étaient déjà en sécurité? «Parce que ce genre de dossier cimente le sentiment d'appartenance des gens, répond le maire Isabelle. Dans un dossier comme ça, les gens nous suivent. Lors d'un congrès, un maire m'avait dit que je n'arriverais pas à faire assumer le coût de l'enfouissement des fils à l'ensemble de la population. Et bien le règlement d'emprunt a passé. Les gens nous ont suivis et il n'y a pas une semaine sans que j'entende quelqu'un me dire à quel point il aime ce qu'on a fait. On a besoin de se rattacher à quelque chose.»

M. Paul Desaulniers, secrétaire trésorier, raconte en riant que même les gens d'Hydro Québec qui participaient à la réunion d'information au sujet de l'enfouissement des fils, et qui sont habitués d'affronter des salles bondées de contribuables en colère dans ce genre de dossier, n'en sont pas revenus de constater comme tout s'est bien déroulé à Yamachiche. Beaucoup de servitudes ont été signées pour les équipements d'Hydro-Québec et personne n'a exigé de compensation. Même chose pour les lampadaires qui empiétaient de quelques pouces sur les terrains privés. Aucune chicane.

«C'est un peu le noeud de notre discussion, fait remarquer M. Desaulniers. Quand on parle de patrimoine, on fait appel à l'émotif, à quelque chose de sensible. Il faut respecter ça. Et le sentiment d'appartenance que ça génère, ce n'est pas feulement pour les gens en 'place mais aussi pour les membres de nos nombreuses familles souches, qui reviennent ici», conclut-il.•


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