Le Nouvelliste 20 juin 2007

«Je tenais à dénoncer mes bourreaux»
 

Abusée pendant 30 ans par son père et sa mère, elle obtient du tribunal la levée de l'interdiction de dévoiler son identité
 

Jean-Paul Charbonneau
La Presse
 

Joliette — Exaspérée de l'attitude de sa grand-mère maternelle et de plusieurs proches qui ne croient pas qu'elle a été agressée sexuellement durant 30 ans à une centaine de reprises par son père et sa mère, une femme de 43 ans a obtenu, hier, du tribunal la levée de l'interdiction de dévoiler son identité.

«Tant pour me faire passer pour une menteuse et une moins que rien j'ai décidé de rendre tout ça public. Je tenais à dénoncer mes bourreaux. Ils se sont cachés toute leur vie. Ils avaient deux personnalités; devant le monde tout était beau. Je n'ai pas de qualité de vie. Je surprotège mes enfants et ils me le reprochent», a dit Johanne Bourassa très nerveuse à sa sortie de la salle d'audience où le juge Claude Melançon, de la Cour du Québec, venait de condamner sa mère, Suzanne Noël, à une peine de 40 mois d'emprisonnement.
 

Ces crimes ont été commis notamment
à Saint-Jacques, Saint-Alexis, Yamachiche et Saint-Cuthbert


Jacques Bourassa et Suzanne Noël sur une photo datant de plusieurs années.

Cette femme de 63 ans était en liberté avant de se présenter devant le tribunal au palais de justice de Joliette pour le prononcé de sa sentence et lorsque le magistrat a fait part de son verdict, elle est restée de glace Le gardien qui l'a accueillie pour la conduire dans une cellule était tout surpris de constater qu'elle n'avait apporté aucun vêtement de rechange.

Suzanne Noël avait enregistré le 5 mai 2006, un plaidoyer de culpabilité à des accusations d'agressions sexuelles, de grossière indécence, d'attentat à la pudeur et de voies de fait sur sa fille Johanne el d'une autre personne alors qu'elle était aussi d'âge mineur..

Son mari, Jacques Bourassa s'est suicidé en 1999 après avoir appris que sa fille avait porto plainte contre lui. Ces crimes oui été commis notamment à Saint. Jacques, Saint-Alexis, Yamachiche et Saint-Cuthbert.

Johanne Bourassa, qui doit consulter un psychologue une fois par semaine, aurait souhaité que sa mère reçoive une sentence plus élevée. «Si nous aurions été aux États-Unis, elle aurait eu plus que 40 mois. Nous sommes neuf enfants et à la suite de ces histoires la famille a éclaté. Je dois toutefois dire qu'aujourd'hui que j'aspire à une nouvelle vie. Je veux tourner la page, mais je ne pourrai jamais oublier tout ce que j'ai subi. Les pédophiles ne savent pas qu'ils brisent des vies à tout jamais», a -t-elle ajouté.

Les agressions sexuelles ont débuté en 1970. Alors qu'elle était âgée de 12 ans, son père l'a forcé à avoir une relation sexuelle complète avec lui. Sa mère a aidé son mari. Elle a souvent été menacée à la pointe d'un couteau et par une hache pour qu'elle se plie aux sévices sexuels de son père.

Jacques Bourassa était très dur à l'endroit de sa femme. Il l'a souvent frappé et Johanne se souvient d'une fois où il a menacé d'enterrer sa femme vivante. Il avait une pelle et lui a demandé de creuser un trou. Il était frustré parce que sa femme avait porté plainte contre lui aux services sociaux, a raconté cette victime d'inceste au tribunal.

Au nom du ministère public, Me Amélie Rivard réclamait une peine de quatre ans, tandis que l'avocat de l'accusée, Me Mario Melançon, croyait qu'une sentence de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité était justifiée. À sa sortie de la salle d'audience, il a toutefois mentionné «qu'à première vue la sentence semblait raisonnable.»

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