Le Nouvelliste 9 septembre 2006

Combien d'Amérindiens dans notre région?

FRANÇOIS ROY

Collaboration spéciale
VOYAGE DANS LE TEMPS

Les Britanniques sont des conquérants très organisés. Quand ils débarquent sur le Platon, en 1760, ils veulent tout savoir: combien de paroisses, combien de familles, combien d'hommes en état de porter les armes, tant chez les colons français que chez leurs voisins autochtones.

Gouverneur militaire de Trois-Rivières, le colonel Ralph Burton va donc commander un premier relevé de la population, comprenant les autochtones. Bien sûr, il n'est pas question de courir derrière les nomades du Haut-Saint-Maurice, qui se déplacent constamment. Non. On va plutôt aller au plus simple et se contenter d'estimer la population sédentaire qui vit le long du Saint-Laurent, aux environs de Trois-Rivières.

Cette population se répartit dans trois communautés: Saint-François, Bécancour et Pointe-du-Lac. Les deux premières seront connues plus tard sous les noms de «Odanak» et de «Wolinak». Quand à la communauté de Pointe-du-Lac, elle est plus difficile à identifier: une hypothèse veut qu'elle se soit plus tard déplacée vers l'ouest, pour devenir la «Petite Mission» de
Yamachiche.

Publié en 1762, le relevé du colonel Burton fait état de 500 personnes, vivant dans ces trois communautés. Ça peut paraître bien peu de monde, 500 personnes, mais dites-vous que Trois-Rivières, à l'époque, compte à peine 672 habitants...

Deux ans plus tard, en 1764, les Britanniques seront officiellement maîtres du Canada et un nouveau relevé de la population autochtone sera publié. Celui-ci sera beaucoup plus considérable, puisqu'il comprendra un estimé de toutes les tribus du continent, de l'Atlantique aux Rocheuses! Ce relevé apparaît en annexe d'un rapport rédigé par un officier britannique d'origine suisse, Henry Bouquet. Les Suisses ont la réputation de savoir compter (ils sont banquiers et horlogers), mais il est bien certain que Bouquet n'a pas compilé tout seul son fameux «recensement». Non.

Il a pris comme référence un coureur des bois, un gars de chez nous, présenté comme «a French trader of considerable note, resident among the Indians for many years». Il s'agirait de Joseph-Hippolyte Hertel, descendant d'une famille pionnière de Trois-Rivières, né à Saint-François du Lac, élevé avec les Abénakis et prêt à servir l'Angleterre. Le type même du parfait collaborateur.
Dans son relevé de 1764, Bouquet estime à 350 le nombre d'autochtones dans la région de Trois-Rivières, mais il semble se limiter aux Abénakis de la rivière Saint-François. Il faut dire que les Anglais sont beaucoup plus préoccupés par les tribus de la région des Grands Lacs, qui sont alors en pleine rébellion. Dans cette guerre, c'est justement le colonel Henry Bouquet qui a été chargé par le général Amherst de rétablir l'ordre. Malgré ce que son nom laisse supposer, le colonel Bouquet ne va pas se présenter là-bas la fleur au fusil.

Avec l'autorisation du général Amherst, Bouquet fait distribuer dans la région des couvertures infectées du virus de la variole, maladie à laquelle les Amérindiens résistent mal. Les tribus rebelles sont décimées et la résistance disparaît.

Finalement, grâce à Hertel et à Bouquet, les Indiens ont découvert deux merveilles de notre monde civilisé: les recensements et la guerre bactériologique.

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