Le Nouvelliste 6 octobre 2005

OPINIONS / GINETTE GAGNON

Un homme malade avec une arme

La mort de Gilles Lamy, 62 ans, ébranle la petite communauté de Yamachiche. Pourquoi la police a-t-elle tiré sur lui? C'est la question qui est sur toutes les lèvres. Mais une autre devrait tous nous interpeller aussi: comment se fait-il qu'un homme clairement identifié comme perturbé par son entourage avait toujours en sa possession une arme à feu?

On ne sait trop pourquoi Gilles Lamy a été pris d'une crise de folie et s'est mis à tirer en direction de la maison d'à côté. Il n'avait pas l'air d'aller bien depuis un bout de temps, disent les voisins et il refusait de consulter ou d'aller à l'hôpital. C'est finalement un miracle si Sylvain Leblanc et son épouse n'ont pas été atteints par ses balles. Et puis l'homme s'est barricadé dans sa maison durant plus de 24 heures. On le savait donc armé, dangereux, imprévisible. Ce n'était peut-être pas un mauvais diable, comme disent-les gens de Yamachiche, ce n'était pas un criminel, mais dans son état, il était devenu extrêmement menaçant. Il fallait donc tenter d'intervenir avec précaution.

On a vu des cas où le forcené retourne l'arme contre lui. On a vu des cas où la police, après de délicats pourparlers, réussit à convaincre l'homme en crise de déposer son arme et de se rendre. Selon ce qu'on croit savoir pour l'instant, Gilles Lamy serait sorti et aurait fait face aux policiers, non pas les bras en l'air, mais en pointant son arme vers eux ce qui les aurait incité à faire feu.

Les forces d'intervention ont-elles bien agi selon la procédure prévue en pareil cas? Y a-t-il eu maladresse? Une enquête devrait nous éclairer davantage. C'est sûr qu'on peut se poser une foule de questions. Pourquoi a-t-on tiré plusieurs projectiles en direction de Gilles Lamy? Un seul n'aurait-il pas été suffisant pour le neutraliser? Pourquoi un tireur d'élite n'aurait-il pas pu viser les jambes au lieu du thorax et ainsi le blesser sans l'abattre? N'y aurait-il pas d'autres méthodes d'intervention moins radicales pour désarmer un forcené? Aurait-on pu user de bombes lacrymogènes ou utiliser des balles anesthésiantes?

Il est normal de se poser toutes ces questions, comme il est facile de jouer aux gérants d'estrade et d'affirmer que la police aurait dû faire ceci ou cela. Il faudra attendre le résultat de l'enquête pour porter un jugement plus éclairé sur le drame. Ce qu'il faut bien reconnaître, cependant, c'est que les policiers spécialisés ont beau être entraînés pour intervenir dans toutes sortes de situations périlleuses, comme celle-là, il reste qu'il s'agit d'opérations délicates, sur fond de grande tension, qui évoluent parfois de manière imprévue pour une raison ou une autre. C'est bien pourquoi on a besoin de réponses aux questions qui sont actuellement dans l'air. S'il y a eu bavure policière, il y aura des suites.

Chose certaine, la mort de Gilles Lamy commande une réflexion plus large encore. On sait tous que la détresse psychologique est répandue dans notre société et les maladies mentales ne sont pas non plus des réalités extraterrestres. Ces dernières années, on nous a appris à être plus vigilants face à certains signes qui annoncent peut-être chez un parent ou un ami une intention de suicide. La triste fin de Gilles Lamy devrait nous inciter à être plus alertés aussi face aux personnes de notre entourage qu'on sait fragiles ou qu'on voit dépérir, et qui possèdent un fusil de chasse. Que peut-on faire, comment agir pour mettre cette arme hors de leur portée?

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