Le Nouvelliste 31 décembre 2004

RAPPORT THIBAULT SUR LA PERCHAUDE AU LAC SAINT-PIERRE
Catastrophe en vue pour les pêcheurs commerciaux

BRIGITTE TRAHAN
Maskinongé

L'Association des pêcheurs commerciaux du lac Saint-Pierre ne voit pas d'un très bon oeil les recommandations du rapport déposé la semaine dernière par le Comité consultatif conjoint pour la gestion des stocks de poissons du lac Saint-Pierre.

Le président de l'association, Roger Michaud, reconnaît qu'il y a «un coup de barre sérieux à donner» et que les actions proposées permettront éventuellement de capturer de plus belles perchaudes dans le lac Saint-Pierre.

Là où le bât blesse toutefois, c'est lorsque le rapport parle de limiter la récolte annuelle de perchaudes de 64,5 tonnes à 30 tonnes seulement pour les pêcheurs commerciaux.

«Trente tonnes, c'est la catastrophe», laisse tomber Roger Michaud. «La perchaude a représenté 45 % des revenus des pêcheurs commerciaux en 2003.»

Pour arriver à baisser autant la récolte tout en assurant un salaire décent aux pêcheurs commerciaux, le gouvernement devrait racheter 25 des 36 permis de pêche actuellement en vigueur, estime Roger Michaud, ce qui ne laisserait que 11 pêcheurs commerciaux pour la totalité du lac Saint-Pierre.

«Comment voulez-vous qu'à 11 pêcheurs, on puisse assurer la mise en marché de nos poissons? Ce n'est même plus une question de perchaude. C'est toute la pêche qui est touchée», signale Roger Michaud.

«Si mon grossiste me dit: "Reger, en fin de semaine, ça me prend 50 000 livres de barbottes pour les marchés Métro et IGA", ça fait un peu plus de 1000 livres chacun si on est 36 pêcheurs. Mais si on est seulement 11, ça fait plus de 5000 livres qu'il faut que je prépare dans ma fin de semaine», illustre-t-il.

«Et si on demeure seulement 11 et que les volumes ne sont plus là parce qu'on n'est pas assez nombreux, pensez-vous que les grossistes vont se déplacer à Maskinongé pour deux ou trois pêcheurs? Il faudra qu'an paie des frais de déplacement pour aller porter nos poissons», renchérit-il.

Un compromis?

Les pêcheurs commerciaux vont s'adresse dès aujourd'hui à la ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour exposer leur point de vue.

«Nous serions d'accord si elle réduisait la récolte à 40 tonnes au lieu de 30 tonnes», explique le président qui estime que c'est la survie même de l'industrie qui est en jeu. «Trop, c'est comme pas assez. On peut faire des coupures draconiennes sans être très draconien», plaide-t-il. M. Michaud rappelle que 85 % de la pêche commerciale en eau douce au Québec se fait au lac Saint-Pierre.

«À 40 tonnes, ça représenterait un rachat de 15 à 18 permis au lieu de 25», ajoute M. Michaud.

Dans son rapport, le comité recommande de couper de 75 % la prochaine récolte par rapport à celle de 2003. Selon M. Michaud, le comité s'est basé sur une expérience réalisée avec succès dans le lac Érié dans les années 1990 pour faire sa recommandation. «Toutefois, dans le lac Érié, on utilise des engins de pêche amovibles tandis que nous, on utilise des engins statiques. Des engins amovibles, ça signifie qu'ils trouvent un banc de perchaudes, ils partent après, le ramassent et s'en vont. Nos engins à nous sont statiques. Il faut attendre que le vent et les bons courants poussent les poissons dedans. Ça n'a pas du tout le même impact», plaide Roger Michaud.


René Béland de la Pourvoirie du lac Saint-Pierre, à Louiseville, s'apprête à démarrer sa saison
et sera lui aussi lourdement pénalisé si les recommandations du rapport sont adoptées.


Pêche sportive

Le rapport ne fait pas l'affaire du côté des pourvoyeurs de pêche sportive non plus. M. René Béland, du Domaine du lac Saint-Pierre à Louiseville, estime que les pourvoyeurs et les pêcheurs sportifs seront pénalisés inutilement si les recommandations sont adoptées.

Par exemple, le document stipule que la longueur des prises autorisées passera de 165 à 190 mm et que la saison de pêche sur glace devra débuter le 6 février au lieu du 20 décembre.

«Moi, j'aurais mis davantage les restrictions de pêche au printemps qu'en hiver. Au printemps, la perchaude mord plus. C'est vraiment là que se fait le boom de la perchaude et ce sont les habitués, ceux qui "giguent", qui viennent les récolter à la chaudière et qui en prennent de façon presque commerciale.

«En hiver, au contraire, il ne se prend presque rien mais les gens aiment quand même venir tenter leur chance parce que la perchaude bouge et fait de l'action. Mais c'est une goutte d'eau dans l'océan», raconte M. Béland qui s'apprête à ouvrir sa pourvoirie d'ici quelques jours.

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