Le Nouvelliste 20 octobre 2004

Parler le yamachichien en plus

Je pensais trouver une salle émotive et survoltée et voilà que je me retrouvais en pleine convivialité, avec du monde tout souriant et fraternisant, à la bibliothèque municipale de Yamachiche.

Ce n'est pas par hasard que je me suis retrouvé là. C'était le seul endroit du village où il y avait évidence de rassemblement. Il y avait bien là quelques personnages-clés du débat qui fait rage à Yamachiche, comme le maire, le président de la caisse pop, le curé... Mais pas de débat.

En fait, tout ce monde était là pour souligner le fait que la bibliothèque J-Alide-Pellerin a acquis la «Collection Raymond Bellemare», qui comprend une grande quantité de livres anglais destinés aux élèves de l'école primaire Omer-Jules-Desaulniers.

Pour se rendre à la bibliothèque, il faut traverser la cour de l'école. Je suis arrivé pendant la récréation. Ça bougeait de partout. Il y avait des garçons qui se bousculaient, qui se chamaillaient, qui s'adressaient des petites invectives sans méchanceté. Ça m'a rassuré. C'était comme ça dans mon temps. Ça l'est encore.

Des enfants

N'empêche que je trouvais qu'il y avait pas mal d'enfants. Pour un endroit comme Yamachiche, où la population est visiblement vieillissante, c'était un peu surprenant de retrouver tant de bouts de chou.

D'autant que la Commission scolaire a déjà projeté, en 1979, de fermer l'école, faute d'écoliers en nombre suffisant. La population de Yamachiche s'était choquée, avait serré les coudes, tout ce qu'il y avait d'autorités et de notables dans la place, conseil municipal en tête, avait fait corps pour conserver la dernière école du village. Yamachiche l'avait emporté.

L'école, c'est une chose. Mais d'où sortaient donc tous ces petits monstres, dans un village de 3000 personnes, réputé grisonnant? Des environs. Car, un peu à la manière des écoles privées, l'école J-Alide-Pellerin s'est donnée une spécificité: l'anglais. On y enseigne davantage l'anglais que dans les autres écoles. Alors, des parents de Louiseville et d'un peu partout aux alentours y inscrivent leurs enfants dans l'espoir de les «bilinguiser».

Une autre mobilisation générale s'était aussi formée à la fin des années 1990 pour tenter d'empêcher la fermeture du foyer Ernest-Jacob. Cela avait duré des années. Cette fois, ça n'avait pas fonctionné. Yamachiche avait perdu.

La business

Moi, c'était pour la dernière mobilisation que j'étais là. Le conseil municipal devait débattre et prendre position dans le fameux dossier de la caisse populaire qui a acheté de la fabrique un bout du terrain de stationnement, face à l'église, pour y réinstaller son centre de services. Un beau spot commercial, le meilleur du village, payé 50 000 $ cash. Un sacrilège pour une majorité de villageois. L'argent qui achète le sacré, une atteinte à un patrimoine paroissial unique au Québec (vraiment?), destruction irréversible du patrimoine architectural de Yamachiche... Il y en a eu des pleurs et des gros mots.

D'un côté, il y a la caisse et la fabrique qui se sont entendues. C'est win-win. De l'autre, un Comité de sauvegarde a démontré par pétition que les trois quarts des gens étaient opposés au projet. C'est ce comité qui a demandé au conseil municipal de prendre position.

Alors, j'ai cherché à comprendre. Pourquoi poursuivre la lutte quand on est déjà en train de couler les fondations? La partie est jouée. Mais comment la caisse et la fabrique ont-elles pu aller de l'avant avec un projet qui est massivement rejeté par la communauté qu'elles desservent?

D'un autre côté, l'église date de 1957. Elle n'est pas vraiment historique, ni d'une architecture d'exception. Et puis, c'est le cimetière qui sera caché par la caisse, pas vraiment l'église. Et puis pourquoi les grands leaders du mouvement d'opposition sont des gens qui n'habitent plus la place... et qui «ne paient pas leur dîme ici», comme on m'a dit?

Je posais bien des questions. Alors, quelqu'un m'a dit: «T'es pas Yamachichois, alors tu parles pas la langue de la place.» Je veux bien besogner dur, mais s'il me faut apprendre le «yamachichien» pour comprendre, j'abandonne.

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