Sentier CHASSE ET PÊCHE septembre 2004

 

Éditorial

PAR JEAN STÉPHAN GROULX

Passions divergentes

Depuis quelques années. des groupes écologistes et autres associations et regroupements d'ornithologues tentent de transformer une bonne partie de la rive nord du lac Saint-Pierre en refuge faunique. Bien que ce projet soit encore à l'état embryonnaire, un malheureux incident est venu bousculer les choses le 9 juillet.

Dans le courant de la journée, dans le secteur de Pointe Yamachiche, des braconniers ont abattu des goélands. Ce sont deux ornithologues qui observaient des oiseaux tout près de là qui, alertés par les coups de feu, ont fait la macabre découverte. Ils ont fait part de la situation à SOS Braconnage, ce qui était de mise, mais ils en ont également profité pour «alimenter» une journaliste du Nouvelliste, le quotidien de la région de Trois-Rivières. Ils se sont alors servi de cet incident, navrant et répréhensible, mais néanmoins marginal, pour faire le procès des utilisateurs autres que les ornithologues du secteur nord de cette portion du lac Saint-Pierre, les qualifiant même de «clientèle Far West.

Évidemment, ils sont immédiatement attiré les grâces de tous les soi-disant écologistes du coin, ce qui a fait ressortir l'idée de transformer la rive nord du lac Saint-Pierre en refuge faunique pour les oiseaux. Bien que l'on puisse croire que cela est louable, le territoire visé et les arguments amenés sont tout simplement ridicules.

Tout d'abord, le territoire. Le refuge faunique s'étendrait de Pointe-du-Lac à Maskinongé. Si vous ne connaissez pas la région, cela doit bien représenter de 20 à 25 kilomètres, sinon plus, de rivage. Une superficie hors proportion.

Parmi les arguments amenés pour justifier le changement de statut de terre publique accessible à tous et chacun à refuge faunique, plusieurs ne tiennent même pas la route. Ils affirment, par exemple, qu'une fois le refuge créé. le «respect de l'environnement sera alors assuré par des agents de protection...». Désolé de vous décevoir, mais ce n'est pas parce qu'il y aurait un nouveau refuge faunique en Mauricie que le nombre d'agents augmentera. Et de toute façon, la majorité des actes qui sont reprochés sont déjà punissables par la loi. Nul besoin de changer le statut du territoire pour la faire respecter. Si des incidents malheureux arrivent, c'est parce que les ressources humaines et financières du Service de protection de la faune sont tout simplement anémiques.

Ce secteur est également fréquenté par une dizaine d'amateurs de cerf-volant de traction, qui se servent de ceux-ci pour faire du ski nautique. Eh bien selon Hugues Brunoni, ornithologue et ex-rédacteur en chef de la revue Québec oiseau, les cerfs-volants effraient les oiseaux. Il va même jusqu'à affirmer qu'«un oiseau de proie fait fuir les autres oiseaux, alors imaginez un cerf-volant». Si les oiseaux ont peur des rapaces, c'est tout simplement parce que ce sont des prédateurs, ça n'a rien à voir avec leur taille. Non, mais quelle démagogie!

Et je pourrais continuer encore longtemps comme ça, mais je vous en ferai grâce. Dans le fond, tout ce que je voulais souligner, c'est que ces regroupements d'utilisateurs non préleveurs sont souvent bien organisés et structurés et qu'ils s'attirent rapidement la sympathie du publique puisqu'ils semblent défendre une noble cause. Ils atteignent donc souvent leur but si l'opposition ne fait pas valoir ses revendications. Si je soulève ce point, c'est que territoire de Pointe-du-Lac à Maskinongé est également fréquenté par de nombreux sauvaginiers au cours de l'automne et que si rien n'est fait pour que ceux-ci fassent valoir leur point de vue, ils pourront dire adieu à ce secteur pour la chasse.

Ce qu'il y a d'étonnant dans tout cela, c'est qu'au moment où a été construite l'autouroute 40, dont l'emprise a littéralement rayé de la carte d'excellents habitats pour la sauvagine dans la région du lac Saint-Pierre, ce sont les chasseurs de canards qui ont soulevé le plus d'opposition au projet afin de protéger ces terres humides que l'on s'apprêtait à remblayer. Et si malgré tout l'autoroute a tout de même été construite, ce sont encore des regroupements de chasseurs, en collaboration avec Canards Illimités, qui ont réalisé plusieurs aménagements pour que la sauvagine puisse encore fréquenter le secteur.

Il faut donc préparer immédiatement la riposte et s'assurer que les chasseurs du coin puissent se faire entendre. Cela commence par la mise en place d'un comité d'intervention, et je souhaite vivement qu'il voit le jour avant que l'accès soit restreint à un petit groupe de soi-disant bien-pensants.

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