Le Nouvelliste 17 juillet 2004

POINTS DE VUE

«Votre pelouse est malpropre»

«Il y aurait lieu de voir à ce que la réglementation municipale soit amendée...»

 

Au début de juin dernier, des plaintes de nuisance émanant de mon voisinage au sujet de la longueur de ma pelouse ont fait en sorte que j'ai reçu un avis d'infraction à l'article concernant la propreté des terrains. Je n'aurais jamais pensé que cela pouvait arriver. Conscient de ne pas faire l'unanimité, le simple bon sens me donnait tout de même à croire que la longueur d'une pelouse était une question de goût.

Aussi, je fus fort surpris de recevoir cet avis. Les gens de la municipalité n'ont fait que leur devoir en faisant respecter ce qui paraît être la réglementation en ce moment. Toutefois, après avoir pris du recul, je ne veux pas laisser passer une occasion de contribuer à une réflexion municipale sur ce sujet à travers le Québec.

Étant habitué à respecter les goûts de mes voisins, même divergents des miens, tant et aussi longtemps qu'ils sont chez eux et ne m'occasionnent pas une nuisance réelle, je m'attends à la réciproque. Or, ce modus vivendi élémentaire n'a pas été appris par tous, semble-t-il. À ce que je sache, il n'y a pas de nuisance publique en l'occurrence. Cela ne brise pas les infrastructures et ce ne sont pas des immondices ou des odeurs nauséabondes.

Au contraire, les bénéfices pour la santé humaine et la diversité biologique sont clairement établis. Le passage fréquent des bruyantes tondeuses à des moments indus et l'épandage d'insecticides potentiellement cancérigènes par des exterminateurs à cause de pelouses trop courtes favorisant les infestations d'insectes indésirables sont à mon avis de bien plus sérieuses nuisances. Et pourtant je les tolère.

Je constate au sujet des amateurs d'asphalte ou des golfeurs en herbe que l'envers de leur vision esthétique subjective est assimilé à de la malpropreté. Dois-je rappeler que les canons de la beauté sont relatifs'? Comme le disait un botaniste: «Une mauvaise herbe est une plante dont on ne connaît pas encore l'utilité.» J'ajoute: «C'est aussi une merveille de la Création dont on n'apprécie pas toute la beauté, car la plupart du temps nous sommes contraints à la couper avant qu'elle atteigne le stade de la floraison.»


PHOTO : STÉPHANE LESSARD

Louis-Martin Brousseau

Serait-ce trop demander de pouvoir respecter le cycle vital complet des plantes? Est-ce un crime de souhaiter avoir plusieurs espèces d'herbes et de fleurs sauvages sur son terrain avec la diversité de textures et de coloris que cela engendre? Est-ce envisageable d'avoir chez soi une petite prairie obtenue par la libre expression de la végétation à partir de la banque de semence naturelle du sol et par l'ajout de quelques graminées fourragères et de plantes indigènes afin d'embellir le tout d'une année à l'autre?

Si c'était rendu possible, je me propose certaines années d'interrompre de mon plein gré le cycle vital des plantes, le 17 juillet, de manière à avoir un beau tapis vert en prévision de la fête de sainte Anne. Primo, je suis sûr que la pelouse sera du plus beau vert qui soit à ce moment et secundo ce sera encore plus fête étant donné qu'elle n'aura pas été toute l'année dans cet état.

N'a-t-il pas déjà été dit: «L'ennui naquit un jour de la monotonie?» C'est tellement vrai qu'il est fort possible qu'à un moment donné je donne des allures de terrain de golf à mon terrain pour faire changement.

Un homme de service m'a conseillé Lac-Édouard pour ce genre de choses. Se pourrait-il qu'on puisse y arriver aussi ailleurs dans un milieu plus urbanisé? Ce serait une grande victoire pour notre qualité de vie et surtout pour l'environnement.

Moyennant les adaptations nécessaires, je souscris entièrement au cadre théorique justifiant la gestion écologique de la végétation des corridors autoroutiers du Québec. C'est une politique splendide du ministère des Transports. N'est-il pas approprié d'étendre cette initiative extrêmement intelligente aux abords des résidences?

Tant et aussi longtemps que la végétation ne nuit pas aux infrastructures publiques, ne nuit pas à la santé de la
population et ne met pas en péril la sécurité du public, elle devrait être acceptée, voire favorisée. Par conséquent, la pelouse longue, en soi, ne devrait plus être interdite. Il y aurait lieu de voir à ce que la réglementation municipale soit amendée en ce sens pour empêcher dorénavant de telles plaintes d'un charmant voisinage. Voilà une mesure concrète pour appliquer le protocole de Kyoto.

C'est un tout petit pas législatif, mais c'est un pas fantastique pour notre environnement!


 

Puisse cet appel recevoir un écho...

Louis-Martin Brousseau

Yamachiche

 

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