Le Nouvelliste 8 mars 2003

Les rebelles chez
la bonne sainte Anne


Le 26 juillet, c'est la fête de la bonne sainte Anne. Évidemment, quand revient cette date, tous les ans, la paroisse Sainte-Anne de Yamachiche se fait un devoir de célébrer le souvenir de sa sainte patronne. Mais la fête en question n'a jamais eu autant d'éclat que le 26 juillet 1837. Voici pourquoi.

Ce jour-là, les visiteurs arrivent à Yamachiche de partout aux alentours, à pied, en voiture attelée ou en bateau, par le fleuve.

De la banlieue de Trois-Rivières, de Saint-Léon de Maskinongé ou de Nicolet. Ils sont députés, médecins, avocats, cultivateurs, journaliers: Et puis, je m'excuse auprès des personnes «dévotieuses», mais les voyageurs n'accourent pas à Yamachiche pour se jeter aux pieds d'une statue de la bonne sainte Anne. En fait, ce serait plutôt le contraire: ils en ont assez de vivre à genoux!

Ces gens-là sont des citoyens du Bas-Canada venus participer à la grande assemblée des Patriotes du district de Trois-Rivières, à l'appel de Louis-Joseph Papineau.

Il faut dire que l'assemblée en question a bien failli ne pas avoir lieu. Devant l'agitation qui augmente de jour en jour, Archibald Atcheson, comte de Gosford, gouverneur général du Canada, a interdit tout rassemblement à caractère politique. Dans chacun des comtés du Bas-Canada, les officiers de milice doivent lire la proclamation de Gosford à la porte des églises, le dernier dimanche de juin 1837. À Yamachiche et dans les environs, la proclamation de Gosford demeure complètement ignorée. Comme c'est curieux! C'est probablement à cause des deux François: Boucher et Caron.

François Boucher est lieutenant-colonel de milice pour le comté de Saint-Maurice. Il refuse de publier l'interdiction et il faut croire que plusieurs capitaines de milice sont d'accord avec lui, puisqu'ils sont presque tous présents parmi les sympathisants qui ont envahi Yamachiche, ce 26 juillet 1837.

François Caron est un vétéran de notre scène politique régionale. Il fait partie de ce fameux trio de frères Baron, François, Michel et Charles, qui ont été tour à tour députés de Saint-Maurice à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada. Le 26 juillet 1837, âgé de soixante-dix ans, François Caron agit comme président du rassemblement patriotique de Yamachiche.

Yamachiche n'est pas le seul village à accueillir les partisans de Papineau, pendant l'été «chaud» de 1837. Dans notre région, on relève des assemblées patriotiques à Berthier, Deschambeault et Saint-François du Lac. Dans les environs de Montréal, la situation est encore plus tendue et on peut même parler d'une « insurrection appréhendée».

Mais il est bien court, le temps des cerises. Le 16 novembre, Gosford émet un mandat d'arrestation contre Papineau. Le 5 décembre, la loi martiale est proclamée et, le 15 janvier, les pleins pouvoirs sont remis entre les mains de John Colborne, commandant en chef des forces britanniques d'Amérique du Nord. La constitution est suspendue, de même que les libertés civiles, et la répression a le champ libre.

Dur hiver, en vérité. Surtout quand on se rappelle à quel point il faisait beau, le 26 juillet 1837, à Yamachiche.


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