Le Nouvelliste 7 mars 2003
Benoît Milot est une vedette internationale du freestyle en motocross
Voler sans ailes
FRANÇOIS HOUDE
Pour trouver Benoît Milot, vaut mieux lever les yeux. Pas qu'il soit si grand, mais il passe le plus clair de son temps entre ciel et terre. En avion et sur son motocross. C'est que bien pilotés, les deux véhicules peuvent voler.
L'apprentissage du vol, Milot, 20 ans, l'a fait d'abord chez
lui, à Yamachiche. Sur la terre ferme. Puis, dans les compétitions de motocross,
il s'est fait remarquer pour ses sauts. Il s'est mis à participer à des
concours, ces épreuves-spectacles présentées pendant les pauses des compétitions
de motocross. Il lui a bien fallu se rendre à l'évidence qu'il avait un don et
que le public adore les fous sur leurs machines volantes.
Et comme ces fous volent sans cesse plus haut et plus loin, Milot s'est aperçu
qu'il ne pourrait longtemps compter parmi les têtes d'affiche en scindant sa
passion en deux amours. Il a choisi le freestyle.
UNE ANNÉE CHANCEUSE
Milot considère 2002 comme une année chanceuse: il ne s'est rien cassé. Il a
bien une balafre au front pour témoigner d'une chute malencontreuse aux
Bermudes, mais ce n'est rien de plus sérieux que les banals risques du métier.
Il y a sa grosse commotion cérébrale, évidemment, mais ça...
En 2001, par contre, il avait frappé le jackpot: poignet cassé, vertèbre
écrasée, ligament et ménisque déchirés au genou. Une bonne année pour son
orthopédiste. Mais quand tu gagnes ta vie à sauter 30 pieds dans les airs sur un
engin infernal, c'est la routine, douloureuse et inévitable. "On cherche
toujours notre limite, explique Milot. Comment aller le plus loin possible dans
les sauts sans aller trop loin. Je le sens, jusqu'où je peux aller mais ça
dépend des jours selon ton niveau de forme cette journée-là. C'est quand on se
dépasse et qu'on réussit à aller plus loin que la dernière fois qu'on est le
plus content."
Sa limite, présentement, elle tourne autour d'un back flip sur lequel il
travaille. Ils sont quatre dans le monde à le réussir présentement. Dont lui,
bien qu'il n'ait pas l'assurance pour le réussir à volonté. La manoeuvre n'est
pas simple. "Le problème, c'est l'atterrissage. Il faut que la rotation soit
parfaite pour qu'en arrivant au sol, les deux roues touchent ensemble. Là, j'ai
tendance à tomber sur la roue avant et à piquer du nez. Mais j'ai vu plusieurs
gars manquer de rotation et se retrouver la tête en bas sans pouvoir se rétablir
avant de toucher le sol." Splatch!
Milot avoue bien trois ou quatre bonnes chutes à cause du fameux back flip.
Étonnamment, ça vaut la peine. Quand il a été invité à Genève, en décembre, pour
un cachet "dans les cinq chiffres", admet-il, les organisateurs l'ont choisi
pour qu'il fasse la figure. Il a chuté à l'atterrissage. Qu'importe, c'est pour
la figure qu'on le voulait. Le public était content.
Sport tant que vous voudrez, le freestyle est aussi et surtout du
spectacle. Milot ne s'en cache pas. Lui fait partie des sportifs, de ceux qui
recherchent la qualité technique. D'autres, comme le vénérable et légendaire
Américain Mike Jones, tablent sur le pur spectacle. "Les figures qu'il fait
désormais sont faciles. Ce n'est pas un gros défi, mais il fait ce que le public
aime voir. À son âge (36 ans), il y a bien des moves qu'il n'est plus en
mesure de faire. Il adore le public et il a le tour de plaire aux gens. Moi, on
me voit comme un technicien."
Dans ce monde, les athlètes s'accolent des surnoms, une image qu'ils
commercialisent. Milot s'est fait faire des T-Shirts qu'il va vendre sur les
sites de ses prestations avec séances d'autographes, de photos, etc. Dans ce
monde, l'image, c'est l'essentiel. Milot n'a pas encore de surnom officiel. Il
lui faudra bien en trouver un. En se basant sur son origine canadienne,
puisqu'il est le seul Canuck sur le circuit. Ou sur son impeccable
technique. Mais la technique, entre vous et moi, ce n'est pas très vendeur.
Bon, ce n'est pas tout ça. Milot doit partir. Il a un vol qui l'attend. Bien des
vols, en fait.
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