Le Nouvelliste 7 mars 2003

Benoît Milot est une vedette internationale du freestyle en motocross 

Voler sans ailes


FRANÇOIS HOUDE

Pour trouver Benoît Milot, vaut mieux lever les yeux. Pas qu'il soit si grand, mais il passe le plus clair de son temps entre ciel et terre. En avion et sur son motocross. C'est que bien pilotés, les deux véhicules peuvent voler.

L'apprentissage du vol, Milot, 20 ans, l'a fait d'abord chez lui, à Yamachiche. Sur la terre ferme. Puis, dans les compétitions de motocross, il s'est fait remarquer pour ses sauts. Il s'est mis à participer à des concours, ces épreuves-spectacles présentées pendant les pauses des compétitions de motocross. Il lui a bien fallu se rendre à l'évidence qu'il avait un don et que le public adore les fous sur leurs machines volantes.

Et comme ces fous volent sans cesse plus haut et plus loin, Milot s'est aperçu qu'il ne pourrait longtemps compter parmi les têtes d'affiche en scindant sa passion en deux amours. Il a choisi le freestyle.

Un bon choix? On vous laisse juge.

En octobre, il était en Grèce pour une démonstration. En Allemagne au début novembre puis aux Bermudes à la fin du mois puis à Genève la fin de semaine suivante. Ensuite, il a entrepris le circuit américain qui signifie une compétition dans une nouvelle ville à chaque fin de semaine: Philadelphie, Cincinnati, Chicago, etc. Il lui a fallu faire une place pour une compétition en Allemagne la fin de semaine dernière et il devra aussi aller à Vienne dans deux semaines.

Pour voyager, c'est mieux que l'armée. Et peut-être plus plaisant.

Son choix tient bien sûr à son goût prononcé pour ce type de compétition mais également à des aspects économiques. "Non seulement c'est plus payant, mais le freestyle offre une bien meilleure visibilité pour des commanditaires. C'est comme si chaque concurrent a son moment de gloire à lui au lieu d'être un participant parmi d'autres dans une course. Pour un commanditaire, ça offre une visibilité exceptionnelle sans compter que le public adore ça."

Reste que c'est son bagage de coureur qui fait qu'il saute comme une grenade dégoupillée depuis dix secondes. "Il faut avoir un bon contrôle de la moto, c'est quelque chose qui s'acquiert en faisant des courses, explique-t-il. Pour le reste, la confiance vient à force de faire des sauts."

La confiance arrive, la peur s'estompe. Même si elle ne disparaît jamais vraiment. C'est simplement qu'à 30 pieds dans les airs et une fraction de seconde pour réagir, il ne faut pas y penser. On ne peut pas y penser. Les blessures n'attendent que ça et en freestyle, elles sont vicieuses.
 

 


Le Nouvelliste, Stéphane Lessard
Pour trouver Benoît Milot, il faut regarder entre ciel et terre où il passe le plus clair de son temps.


UNE ANNÉE CHANCEUSE

Milot considère 2002 comme une année chanceuse: il ne s'est rien cassé. Il a bien une balafre au front pour témoigner d'une chute malencontreuse aux Bermudes, mais ce n'est rien de plus sérieux que les banals risques du métier. Il y a sa grosse commotion cérébrale, évidemment, mais ça...

En 2001, par contre, il avait frappé le jackpot: poignet cassé, vertèbre écrasée, ligament et ménisque déchirés au genou. Une bonne année pour son orthopédiste. Mais quand tu gagnes ta vie à sauter 30 pieds dans les airs sur un engin infernal, c'est la routine, douloureuse et inévitable. "On cherche toujours notre limite, explique Milot. Comment aller le plus loin possible dans les sauts sans aller trop loin. Je le sens, jusqu'où je peux aller mais ça dépend des jours selon ton niveau de forme cette journée-là. C'est quand on se dépasse et qu'on réussit à aller plus loin que la dernière fois qu'on est le plus content."

Sa limite, présentement, elle tourne autour d'un back flip sur lequel il travaille. Ils sont quatre dans le monde à le réussir présentement. Dont lui, bien qu'il n'ait pas l'assurance pour le réussir à volonté. La manoeuvre n'est pas simple. "Le problème, c'est l'atterrissage. Il faut que la rotation soit parfaite pour qu'en arrivant au sol, les deux roues touchent ensemble. Là, j'ai tendance à tomber sur la roue avant et à piquer du nez. Mais j'ai vu plusieurs gars manquer de rotation et se retrouver la tête en bas sans pouvoir se rétablir avant de toucher le sol." Splatch!

Milot avoue bien trois ou quatre bonnes chutes à cause du fameux back flip. Étonnamment, ça vaut la peine. Quand il a été invité à Genève, en décembre, pour un cachet "dans les cinq chiffres", admet-il, les organisateurs l'ont choisi pour qu'il fasse la figure. Il a chuté à l'atterrissage. Qu'importe, c'est pour la figure qu'on le voulait. Le public était content.

Sport tant que vous voudrez, le freestyle est aussi et surtout du spectacle. Milot ne s'en cache pas. Lui fait partie des sportifs, de ceux qui recherchent la qualité technique. D'autres, comme le vénérable et légendaire Américain Mike Jones, tablent sur le pur spectacle. "Les figures qu'il fait désormais sont faciles. Ce n'est pas un gros défi, mais il fait ce que le public aime voir. À son âge (36 ans), il y a bien des moves qu'il n'est plus en mesure de faire. Il adore le public et il a le tour de plaire aux gens. Moi, on me voit comme un technicien."

Dans ce monde, les athlètes s'accolent des surnoms, une image qu'ils commercialisent. Milot s'est fait faire des T-Shirts qu'il va vendre sur les sites de ses prestations avec séances d'autographes, de photos, etc. Dans ce monde, l'image, c'est l'essentiel. Milot n'a pas encore de surnom officiel. Il lui faudra bien en trouver un. En se basant sur son origine canadienne, puisqu'il est le seul Canuck sur le circuit. Ou sur son impeccable technique. Mais la technique, entre vous et moi, ce n'est pas très vendeur.

Bon, ce n'est pas tout ça. Milot doit partir. Il a un vol qui l'attend. Bien des vols, en fait.


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