Le Nouvelliste 29 avril 2003

 

L'histoire d'un «bio» qui n'en démord pas

BRIGITTE TRAHAN
Yamachiche

Entre 1990 et 2000, Jean-Pierre Clavet a mis sa santé à rude épreuve. Il s'est retroussé les manches pour démarrer sa propre entreprise agricole biologique. Comme il ne pouvait en vivre, il a occupé un autre emploi à plein temps dans une compagnie de gaz. Inutile de dire que les nuits ont donc été courtes au cours de ces années-là. « Il fallait être fou», confie-t-il candidement.

Il y a 10 ans, à peu près personne ne produisait de viande biologique au Québec. Tout était à bâtir, et pas seulement la clientèle. Il fallait aussi convaincre à la cause du bio les organismes chargés de subventionner l'agriculture conventionnelle. Les portes ne se sont ouvertes, finalement, que l'an dernier, après plus de 10 ans d'efforts.

Entre-temps, la Ferme Le Crépuscule d'Yamachiche a survécu à bouts de bras à cause de l'entêtement d'un seul homme. Aujourd'hui, cette petite entreprise, soutenue par la communauté, nourrit 800 familles des quatre coins du Québec grâce à des gens et des commerces qui acceptent de devenir des points de chute pour les commandes des clients. (À Trois-Rivières, le seul point de chute est le magasin Vitavie au Naturel).

Nul n'est prophète en son pays. Ce n'est donc pas en Mauricie que Jean-Pierre Clavet a pu former sa principale clientèle. Aujourd'hui, il est équipé d'un camion réfrigérant haut de gamme pour faire ses livraisons dans la région métropolitaine. «Mais au début, je les faisais avec ma petite Chevette. Et la ferme, elle a commencé avec une vache et un cheval», se souvient-il.


LE NOUVELLISTE, CHRISTINE BUISSON

Jean-Pierre Clavet, propriétaire de la Ferme Le Crépuscule d'Yamachiche

La production fut d'abord de boeuf et de porc biologique, puis les poulets sont arrivés, nécessitant la construction d'un poulailler de type européen avec ventilation naturelle permettant aux animaux d'aller dehors, comme autrefois. Une petite érablière bio s'est rajoutée.

Les principaux clients de la ferme ont développé une relation d'actionnaires pour la soutenir, Jean-Pierre Clavet demeurant toutefois le principal propriétaire. Ce soutien a permis à l'entreprise d'acheter du quota de poulet.

À l'élevage de poulet, de veau, de bouvillons, de porc, d'agneau et de chevreau, tous certifiés biologiques par Québec Vrai, s'ajoutent aujourd'hui la production de saucisses biologiques de diverses variétés. L'entreprise fait sa propre production bio de l'ail qui entre dans fabrication de ses saucisses et, bientôt, sera autonome dans la culture des fines herbes qui entrent dans leur composition.

La ferme achète aussi les produits biologiques d'autres fermes dont celle de M. Haras Bucheli de Sainte-Monique, un producteur dont la production respecte les principes de la biodynamie. Elle offre aussi à ses clients des paniers de légumes certifiés.

Tout récemment, la ferme s'en enrichie d'un moulin dans lequel Jean-Pierre Clavet prépare toutes les moulées biologiques destinées à ses animaux d'élevage. L'investissement était devenu impératif  lorsque son fournisseur de grains biologiques lui a annoncé qu'il fermait boutique.

Jean-Pierre Clavet achète maintenant des grains certifiés de partout au Québec qu'il mélange et entrepose dans son nouveau moulin. Cet édifice sera bientôt doté d'une salle de germination pour augmenter la qualité des aliments destinés aux animaux de la ferme.

Le Crépuscule a gagné le Prix Phénix de l'environnement. Jean-Pierre Clavet assure que ce n'est qu'un début. Avec le temps, il souhaite axer son travail de plus en plus sur l'éducation et la sensibilisation des producteurs et du public face à l'agriculture biologique. Plus qu'un travail, plus qu'une conviction, cette agriculture est en train de devenir une cause pour ce producteur.

 


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