Le Nouvelliste 28 mars
2002
Lac Saint-Pierre
BRIGITTE TRAHAN
Yamachiche
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Le Nouvelliste, Alain Bédard |
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M. Claude Desaulniers. | |
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Le projet d'Aire faunique communautaire du comité ZIP du lac Saint-Pierre, décrié par l'Association des pêcheurs commerciaux il y a quelques semaines, fait maintenant l'objet de vives inquiétudes de la part des pourvoyeurs de pêche blanche.
Présentement, il en coûte en moyenne 3 $
par voiture pour avoir accès à la pêche blanche chez un pourvoyeur au lac
Saint-Pierre. Bien qu'aucun montant officiel de droit d'accès n'ait encore été
annoncé par le comité ZIP, Claude Desaulniers, propriétaire de la pourvoirie
Qui-Mauricie, a appris qu'il pourrait en coûter entre 20 $ et 40 $ par personne
pour pouvoir pêcher sur le lac.
Peu importe le montant, René Béland de la pourvoirie Domaine du lac Saint-Pierre
à Louiseville, craint que les pourvoyeurs soient coincés dans une structure de
collecte de droits de pêche. "Ça va être un paquet de problèmes additionnels. Je
suis contre ça", dit-il.
Le lac Saint-Pierre, contrairement aux deux autres lacs au Québec où ont été
instituées des aires fauniques communautaires (Résevoirs Gouin et Baskatong),
n'est pas un lac mais un fleuve, donc une aire complètement ouverte, accessible
de partout où il est impossible de contrôler les allées et venues des gens. Plus
d'une dizaine de rivières s'y jettent et autant de municipalités sont aménagées
sur ses rives, fait valoir René Béland.
Des milliers de gens sont nés sur les rives du lac Saint-Pierre et en ont fait
leur principale source de détente. Pour René Béland, il est impensable de brimer
la liberté de tous ces gens.
Les pourvoyeurs de pêche blanche ont l'intention de lutter contre ce projet. M.
Jean-Guy Dupuis, pourvoyeur de Maskinongé, n'était même pas au courant du projet
et les pourvoyeurs qui le sont ont en tête bien des questions auxquelles ils ne
peuvent obtenir de réponses. Claude Desaulniers, pour sa part, a contacté le
cabinet du ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche pour le
sensibiliser aux retombées du projet.
"Moi, je pense que c'est l'arrêt de mort
des pourvoyeurs. Quand les gens vont découvrir qu'ils doivent payer 40 $ pour
prendre deux poissons, ils ne viendront plus. Plusieurs m'ont dit que si cette
affaire-là passe, ils vont vendre leur cabane, d'autant plus que ça n'a pas
mordu, cet hiver. La perchaude, pour une, a été très absente", plaide M.
Desaulniers qui gère une pourvoirie de 135 cabanes dont 105 appartiennent à des
particuliers.
"Ils disent qu'ils vont ensemencer de la perchaude dans le lac. C'est ridicule
parce que la pêche commerciale à la perchaude se fait en période de fraie. Qui
va payer pour qui?", se questionne René Béland. "C'est un milieu ouvert, donc
les poissons voyagent et ne restent pas nécessairement dans le lac Saint-Pierre",
ajoute-t-il.
"En tous cas, ça ne nous aidera pas", croit fermement Jean-Guy Dupuis qui gère
une pourvoirie de 120 cabanes. "Il y aura une grosse reproduction de poissons
parce que plus personne n'ira les pêcher", renchérit un membre de sa famille.
"Il n'y a plus rien dans le lac. Il y aura moins de monde."
Les conséquences pourraient avoir plus de répercussions qu'il n'en paraît à
première vue. M. François Quintal, propriétaire des nouveaux commerces
d'alimentation qui ont récemment été construits près de la Porte de la Mauricie,
se dit conscient que la présence de la pourvoirie Qui-Mauricie occasionne de
l'achalandage chez lui, que ce soit pour de l'essence, de la nourriture ou le
gîte. "Il y a des week-ends où 700 personnes passent chez nous. Si elles ont des
besoins, je les envoie toutes là. J'organise même des forfaits
coucher-déjeuner-pêche à la Porte de la Mauricie", illustre M. Desaulniers.
"Le lac Saint-Pierre, c'est un endroit public, un héritage collectif. Les gens
sont comme chez eux ici", plaide René Béland. "Le projet d'Aire faunique
communautaire est tout simplement une mafia légale", croit pour sa part Claude
Desaulniers.
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