Dernière Heure 18 novembre 2000

         

"Comment nous avons trouvé
la force de tout rebâtir"
                                                                                                                  La famille Lamy

 

L'expression "se serrer les coudes" a pris tout son sens pour les Lamy une nuit de février 1998, alors que leur exploitation agricole a été réduite à un tas de cendres. Un événement marquant dans la vie de chacun des membres de cette famille...

PHOTOS: MARTIN LAPRISE

Mesurant 25 mètres de largeur sur 65 mètres de longueur, l'étable des Lamy, située chemin des Caron, à Yamachiche, est impressionnante. Si le bâtiment abritant quelques dizaines de bovins laitiers meuble toujours ce décor champêtre, c'est grâce à la détermination des maîtres des lieux. Avec la complicité de leurs trois fils, Jocelyne et Daniel ont fait en sorte que la ferme familiale renaisse de ses cendres. Coup de chapeau, messieurs dame!

 

La famille Lamy au grand complet: Daniel et Jocelyne, entourés de leurs 3 fils, Guillaume, Vincent et Martin.

RÉVEIL BRUTAL

8 février 1998, 4 h 30: Jocelyne réveille son mari: "Dan ici, ou n'a pas chauffé hier; et ça sent le brûlé. Ce n 'est pas normal." L'homme se lève précipitamment. Aussitôt, il sonne l'alarme; l'étable est la proie des flammes! Mais le combat est déjà perdu.

"Ça n'a pas été long... Tout ce qu'on possédait s'est envolé en fumée en une heure", raconte Jocelyne Ébacher, qui revoit encore la triste scène. Il ne restait plus grand-chose de l'exploitation agricole qu'elle et son conjoint avaient mis sur pied 20 ans plus tôt. "Tout a été détruit: le bâtiment, l'équipement... Pis encore, notre troupeau, qui comptait 80 belles vaches de race pure, a péri dans l'incendie. Les pauvres bêtes se sont retrouvées prisonnières des flammes. Dans les décombres fumants, on ne distinguait plus que trois grosses canisses à la verticale: nos trois sites."

 

DES ANNÉES DE LABEUR PARTlES EN FUMÉE

"Nous avions acheté cette ferme le 20 juin 1978", rappelle M Lamy la voie brisée par l'émotion. Durant les années qui ont suivi, sa femme et lui n'ont pas ménage leurs efforts pour rentabiliser l'entreprise 'nous voulions nous préparer une belle retraite, alors nous avons travaillé dur. Pendant des années, nous nous sommes levés à 5 h tous les matins pour nous  occuper des animaux. Et voilà qu'en quelques minutes tout a été anéanti. C'est frustrant! On se sent tellement démuni devant la force des éléments."

Daniel fait partie de la quatrième génération de Lamy à habiter chemin des Caron. Demeurant toujours dans la maison paternelle, l'agriculteur ne voulait surtout pas que l'habitation dans laquelle il avait grandi soit, elle aussi, la proie des flammes. "Les pompiers tentaient de circonscrire l'incendie, mais le feu menaçait notre demeure." Alors âgé de 13 ans, Guillaume, un des fils Lamy, se souvient de ce matin tragique. Au plus fort de l'incendie, lui et ses frères Vincent et Martin avaient reçu la consigne de se réfugier dans le poulailler. Quant à Martin, il est catégorique: "On reste marqué à vie par une malchance comme celle-là. " C'était la consternation. "Nous avions 80 caches, des belles Holstein que nous avions acquises an fil des ans. Nous avions constitué nous-même notre troupeau, qui produisait environ 300 000 litres de lait par année. Après l'incendie, il nous fallu nous demander si nous étions prêts à repartir. à zéro'; précise M. Lamy.

 

ANGES ET VAUTOURS

Ce qui restait des installations a fait l'objet d'une inspection minutieuse par les assureurs, qui n'ont découvert aucune faille dans le système électrique. Après que ces derniers eurent conclu que l'incendie était d'origine accidentelle, la famille a rapidement décidé de son sort...

À l'instar des grands gagnants de Loto Québec, les Lamy ont été harcelés par une foule de présumés experts, en sinistres dans leur cas, des gens qui soi-disant "voulaient leur bien". "Nous, nous les appelons les vautours et nous avons heureusement réussi à nous en défaire. Nous avons d'abord pris le temps reprendre nos esprits. Mais ces experts insistaient en répétant que nous n'étions pas en mesure de bien comprendre les clauses de notre police d'assurances et de prendre les bonnes décisions puisque nous étions toujours sous le choc." Avec le recul, Daniel Lamy déclare sans ambages "Je pense que nous nous sommes bien débrouillers.

En revanche il  n'a que de bons mots a l'endroit de ses voisins et amis 'Les gens du milieu agricole connaissent la solidarité et plusieurs nous en ont fait la preuve. Chacun  a donné un peu de son précieux temps soit quelques minutes ou plusieurs jours. C'est un geste d'autant plus touchant que ces personnes-là  ont leurs propres obligations dans leur ferme, et peu de personnel pour  les aider à les remplir

Avant de rebâtir leur exploitation agricole, les Lamy ont prospecté la région: ils ont visite une bonne vingtaine de fermes de construction récente afin de voir où en était l'industrie laitière. Depuis deux décennies qu'ils se dépensaient sans compter, ils n'avaient pas pris le temps de s'interroger sur les derniers développements en agriculture. Et pas question de manquer leur coup! "Nous repartions à zéro, et il n'y avait pas de place pour l'improvisation." Du 25 mai au 29 septembre 1998, le terrain de la famille Lamy s'est transformé en un vaste chantier.  Pendant cette période, ils ne s'absenteront que trois jours et, encore là, pour aller voir d'autres étables susceptibles de les guider dans leurs choix.

Durant toute la durée des travaux, les enfants ont été mis à contribution. Martin avait l6 ans lorsque l'incendie a fait rage.. "J'ai grandi ici et je veux y rester" L'acharnement de ses parents l'a inspiré au point qu'il a décidé de faire carrière en agriculture. C'est à l'Institut technologique agroalimentaire de Saint-Hyacinthe qu'il poursuit ses études collégiales. La relève des Lamy est désormais assurée!


Dans la partie de l'étable appelée salon de traite, Daniel Lamy
explique les différentes étapes de la traite à Réjean Léveillé.

"C'est frustrant. On se sent tellement démuni devant la force des éléments."

- Daniel Lamy

 

COMPLICITÉ FAMILIALE

Une fois leur premier café ingurgité, avec un soupçon de lait à 4 % de matières grasses, comme tout producteur qui se respecte, Jocelyne et Daniel font leur entrée dans l'étable à 5 h 30. Tous les matins, ils s'affairent à laver le plancher de béton avant d'accueillir le troupeau au salon de traite. Moins de 10 % des exploitations laitières du Québec sont pourvues de cet équipement perfectionné. "C'est une installation très efficace. Nous n'avons pas de matériel à  transporter ce sont les bêtes qui se déplacent. En quelques secondes, la vache est traitée. Puis elle s'en retourne manger tandis qu'une autre prend sa place. La même routine, qui dure environ 70 minutes, se répète matin et soir 365 jours par année."

À leur retour de l'école, les deux cadets. Guillaume et Vincent, participent à la besogne, notamment en nourrissant les animaux. "Je parle parfois aux bêtes, mais je me concentre surtout sur les rations que je leur donne. Décidément. Vincent prend sa tâche très au sérieux!

Bien sur. Daniel Lamy n'a jamais souhaité vivre une  expérience aussi traumatisante que l'incendie de cette nuit de février 1998. Toute fois ce drame l'a amené à découvrir en lui une énergie qui ne demandait qu'à être exploitée." Ma femme et moi nous sommes épaulés. Nous avons pris  toutes les décisions ensemble. et nos choix se sont révélés très positifs." Leur aîné, Martin, abonde dans le même sens; J'ai beaucoup appris de mes parents: ils ont surmonté une épreuve terrible et ils ont fait preuve de courage. Je suis certain que c'est pour nous qu'ils ont pris cette décision."

J'ai l'impression que les Lamy récolteront le fruit de leur labeur durant de nombreuses années. Chapeau, Jocelyne et Daniel! Je lève, pour vous, mon verre... de lait!



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L'émission Coup de chapeau est diffusée du lundi au vendredi, sur les ondes de TVA, à 11 h 30.

TVA-Émission Coup de chapeau

1600, boul. de Maisonneuve Est,10e étage

Montréal (Québec) H2L 4P2


En me renseignant sur la production laitière, j'ai appris que notre province dénombrait 10 200 exploitations dans ce secteur de l'agroalimentaire. En outre, le volume de lait produit au Québec représente 37 % de la production canadienne. Par ailleurs, la valeur totale des fermes, terres et équipements s'élève à plus de six milliards de dollars. .

La Fédération des producteurs laitiers est très active dans le milieu agricole. Elle possède même son site Internet (www.lait.org) où sont rassemblés une foule de renseignements pertinents sur... les peaux de vache, On dit aussi de la vache qu'elle est le symbole de la terre nourricière, de la fertilité et de l'abondance. Un seul de ces ruminants peut combler les besoins annuels en produits laitiers de 100 personnes. Une vache peut donner plus de 30 litres de lait par jour. Bien que le cheptel québécois soif deux fois moins important qu'il y a une trentaine d'années avec ses 500 000 bêtes, le nombre de litres produits annuellement est le même, soit trois milliards. C'est que les vaches laitières sont beaucoup plus productives qu'autrefois, entre autres grâce à une meilleure gestion des troupeaux. Une quantité de lait aussi impressionnante pourrait remplir une fois et demie le Stade olympique! Ce serait "laid"!

Enfin, avec une consommation de 91 litres de lait par année par habitant, nous sommes loin de battre les Irlandais qui en ingurgitent 140 litres chacun. N'oubliez pas: votre lait, buvez-le quand ça vous plaît!

 

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