Le Nouvelliste 23 septembre 2000

Il fait revivre une variété d'arbres disparue

Une vraie mine d'or qui poussera dans la terre

Brigitte Trahan
Yamachiche


(Alpho Presse:Alain Bédard)
M. Gérard Proteau veut planter 10 000 «jujlan nigra canadensis» un peu partout au Québec.

Il y a deux ou trois ans, il ne restait plus que trois représentants de «jujlan nigra canadensis» au Québec lorsque M. Gérard Proteau, un gars de forestier de Pointe-du-Lac, a décidé de récolter leurs semences et de tenter de faire revivre Cette variété de noyers aborigènes.

Cette histoire peu banale n'est pas qu un simple sauvetage environnemental. L'arbre en question est une véritable petite mine d'or. Un simple morceau brut de sa racine d'environ trois pieds et demi par huit pouces de hauteur et deux pouces et demi d'épaisseur se détaille 1000 $US.

C'est un bois si joli qu'il sert à fabriquer certains bijoux. On le découpe aussi en lamelles que l'on plastifie et qui serviront à orner l'intérieur de voitures très luxueuses, il lustre M. Proteau. Le grain est si souple que c'est aussi un bois idéal pour fabriquer des crosses d'armes à feu, ajoute celui qui est un collectionneur d'armes anciennes.

C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles cette essence fut surexploitée et disparut presque complètement du Québec dès le XIXe siècle.

En relançant cette variété de noyer, M. Protean contribue certes à la sauver mais, curieusement, il le fait en sachant qu'il ne récoltera jamais tout le fruit de son travail. Il faut en effet pas moins de 70 ans avant que le bois du tronc (qui atteindra alors six pieds de diamètre) et celui, plus précieux, de la racine soient récoltables. «Je suis bien conscient que les os ne me feront plus mal à ce moment-là», dit-il. Dommage, puisqu'un seul noyer à maturité, c'est-à-dire de 150 ans, vaut présentement 
10 000 $US...

Toutefois, dans 10 ans à peine, lorsqu'il sera près de la retraite, ses arbres commenceront à produire de succulentes noix qu'il mettra alors sur le marché. L'écorce de ces noix sert à fabriquer de la teinture à cheveux de première qualité ainsi que des huiles essentielles. Quant aux feuilles, elle forment un des meilleurs paillis que l'on puisse trouver sur le marché. Le bran de sciage des noyers est aussi employé pour parfumer les viandes fumées au bois.

M. Proteau a démarré sa plantation chez les frères de l'instruction chrétienne, à Pointe-du-Lac. Il en a perdu quelques milliers, au cours de ses expériences. «J'ai appris qu'il y a une manière bien précise de les planter et qu'il faut aussi les repiquer après un certain temps en leur donnant un angle bien précis afin de favoriser la croissance du tronc et de la racine. Cet arbre-là ne pousse presque jamais sans l'intervention humaine», fait-il valoir.

L'arboriculteur a récemment acheté l'ancien parc Marconi, sur la route 138, à Yamachiche. Il est en train de l'aménager afin d'y planter ses petits arbres au printemps. Au milieu, il plantera aussi un vignoble de 1000 ceps puisque la floraison des vignes se fait en même temps que celle des noyers et favorisera la production des noix. «Je pense produire environ 2000 bouteilles de vin par année», ajoute M. Proteau.

Sur les 3000 arbres qu'il a réussi à démarrer à Pointe-du-Lac, il en re piquera 250 à Yamachiche, au printemps, et entend vendre les autres. Quelque 800 noyers de la même variété ont aussi été plantés dans la région de Kinsey FaIls par un de ses amis et une centaine d'autres dans la région de Québec. Éventuellement, son objectif est de planter 10 000 noyers «jujlan nigra canadensis» un peu partout au Québec à mesure qu'il fera profiter les semences.

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