Trop jeune pour mourir

 

En un début de soirée assez chaude de fin de juin, je suis en face du lac Saint-Pierre à Yamachiche et j'ai déjà comme observation d'oiseaux plusieurs canards comme le Canard pilet, le Canard noir, le Canard colvert, la Sarcelle à ailes bleues et la Sarcelle d'hiver, sans omettre la Bernache du Canada; aussi, le Pluvier kildir et le Pluvier argenté sont sur place avec la Guifette noire, la Sterne pierregarin et surtout, la Sterne de Forster comme attraction principale. Cette période de cueillette des espèces est aussi prolifique qu'à l'habitude et de temps à autre, un nouveau spécimen accapare mes loupes. Seul, j'entends les vagues du lac qui viennent mourir sur ses berges, à l'embouchure de la rivière, conséquence d'un vent assez véloce du sud-est, lequel rafraîchit lentement la température.

 

Concentré sur les goélands près de l'eau, à la rive et, évidemment, sur la Sterne de Forster encore présente, soudainement, des piaillements d'un caneton se font ouïr derrière moi, sur l'onde de la rivière, au versant opposé. Le jeune Canard noir, de prime abord, semblant être fringant, est plutôt perdu et apeuré et tente probablement de trouver sa mère en nageant rapidement dans le courant, d'un côté à l'autre, avant d'accoster à mon rivage et se diriger directement vers les goélands, pensant sûrement reconnaître un membre de sa famille; je crains pour sa vie, car il s'en va vers de réels prédateurs.

 

Il est tellement paniqué qu'il circule rapidement dans tous les sens parmi les Goélands marins, les Goélands à bec cerclé et les Goélands argentés, sans s'arrêter, pour revenir vers la rivière et pour se laisser dériver sur le lac. Je présume pour un instant qu'il va s'en sortir s'il prend l'eau du lac vers l'est, mais les vagues sont trop fortes et il est incapable d'y aller; il se résigne à repasser devant les goélands, vers l'ouest, cette fois sur l'eau, en se faisant projeter sur la rive, de temps à autre, entre les oiseaux géants et encore s'en tirer indemne. Après avoir sillonné toute la plage, à trois ou quatre reprises et étant complètement désorienté dans sa solitude, il revient vers la rivière pour la quitter immédiatement et s'orienter en toute hâte, une autre fois vers le lac, en passant entre deux Goélands à bec cerclé et l'un d'eux, d'un seul coup de bec, l'attrape par le cou pour s'envoler vers la rive est du lac, à l'abri des congénères envieux et surtout de mes yeux, lesquels ont comme dernière image du caneton intrépide, ses petites pattes pendantes dans les airs.

 

À force de jouer avec le feu, on se brûle et même si c'est par inexpérience, malheureusement, le jeune n'a pas fait mentir ce dicton; une vie beaucoup trop courte, tout de même.