La toile japonaise

 

Par une journée ensoleillée du mois d'août, très suffocante et humide (tellement qu'une mince brume se mêle à l'air), j'enfourche ma bicyclette et j'emprunte une route gravelée pour m'orienter vers le lac Saint-Pierre. Mon itinéraire comprend la montée d'un viaduc, encore plus ardu à grimper dû à cette chaleur, et un chemin de terre à proximité d'une rivière, laquelle se déverse dans ledit lac.

 

En quittant les derniers mètres de la route asphaltée de la voie de service de l'autoroute 40, je m'engage lentement sur la surface terreuse où des cris d'Orioles de Baltimore m'interpellent et je fais une halte vis-à-vis une trentaine de peupliers géants qui projettent de l'ombrage, très apprécié en ce moment pour dénombrer ces oiseaux noirs et orangés.

 

Pendant cette opération de repérage, le chant d'une Paruline masquée m'attire au dernier peuplier où une éclaircie laisse paraître les arbres de l'autre rive, à la courbe éloignée de la rivière et, une vision surréaliste s'offre à mes yeux lorsque je m'approche de ce cours d'eau, tellement sidéré que j'oublie la température torride et son soleil brûlant.

 

Un tableau vivant et magnifique, digne des plus belles toiles japonaises, se trouve justement sur les branches allongées des érables adultes, soit une famille de Grands Hérons, composée de deux jeunes avec les parents, sous la ramification des feuillus, à l'ombre; les premiers, couchés et les seconds, debout, avec les ailes entr'ouvertes, couvrant la progéniture haletante. Une scène que je n'oublierai jamais, dans cette ambiance euphorique et ce, malgré la chaleur quasi insupportable.

 

Une gracieuse élégance

 

Dès mon arrivée, à l'embouchure de la Grande Rivière Yamachiche, noyée par le lac Saint-Pierre, anormalement élevé pour un 20 juillet, une vision de beauté et d'élégance me paralyse pour un instant mais, vite remis de mes émotions, je scrute avec mes loupes, tel un voyeur, tous les détails de cet oiseau magnifique dans ses plus beaux atours et qui se nomme Aigrette neigeuse.

 

Elle se déplace lentement et avec délicatesse dans un espace restreint sur la plage, à une distance respectable des Goélands à bec cerclé et des Goélands marins, sans oublier les quelques Bécasseaux semipalmés. Désinvolte, avec ses longues pattes noires dont les doigts de pieds donnent l'impression d'être protégés par des gants jaunes, elle parade sans cesse dans sa blanche robe de plumes ornée d'aigrettes au cou, à la tête et au dos; un très beau moment d'observation dans ce calme désarmant.