REPAS ORNITHOLOGIQUE ENRICHI DE NOIX

Article de Michel Bourassa

Au départ de mon domicile par la Petite rivière Yamachiche et ce, en embarcation-moteur, le ciel est très sombre avec une certaine humidité dans l'air et les nuages veulent lentement s'approcher du faîte des arbres; cette ambiance s'ajoute à la journée morne qui s'annonce.  Malgré cette température désagréable, je me dirige sans hésitation à mon «petit royaume» pour l'observation des oiseaux, soit entre la rivière et la Petite baie (anse) de Yamachiche et je débute ma séance de repérage des différentes espèces qui s'y trouvent afin de m'en délecter visuellement.

Comme entrée, quelques Parulines jaunes ici, plusieurs Parulines à croupion jaune là, une Paruline masquée un peu plus loin accompagnée d'une Paruline à tête cendrée et d'une Paruline à calotte noire, c'est à peu près le menu du jour, lequel m'aiguise l'appétit préparant la suite de mon repas cérébral.

Le plat principal ne se prendra probablement pas, car en tournant sur moi-même et levant les yeux vers l'ouest, au-dessus des peupliers géants, d'énormes nuées noires et menaçantes s'avancent vers moi et se préparent à m'arroser généreusement je suppose, car un léger vent chaud se met de la partie; je décide très rapidement de traverser le boisé en face de moi pour emprunter le sentier près de la rivière et me rendre le plus tôt possible à ma chaloupe.  Dès que je m'introduis sous les arbres, des cris inconnus assez puissants et quelque peu mélodieux m'interpellent, ceux-ci provenant de la cime des fameux peupliers; alors, je continue à marcher en reculant car la visibilité de face est nulle.  Soudain, je retrace un mouvement grisâtre d'un oiseau au sommet dans une des dernières branches et je n'en crois pas mes yeux car le gris que je regarde est la silhouette presque certaine d'un Casse-noix d'Amérique, originaire de l'ouest américain ou canadien, lequel est trapu avec un bec noir assez long et pointu et dont le corps se termine par une queue assez courte et avec son dessous blanchâtre.  Le plat principal que je pensais rater est actuellement devant mes lentilles et je le savoure pleinement car comme mets exotique inhabituel, c'en est tout un; mon esprit en cette journée est très bien nourri et surtout rassasié avec, encore une fois, ce délice pour mes pupilles reconnaissantes.

Je peux facilement me passer de dessert en ce moment, comblé comme je suis, mais la nature en a décidé autrement et elle me présente presque sur un plateau d'argent un Moucherolle vermillon mâle de première année voltigeant sous les feuilles d'un jeune érable tel un roitelet.

Comme cerise sur le «sundae», cette espèce rarissime dans notre région est idéale et je m'empresse de quitter les lieux du «petit royaume» avant d'avoir une indigestion ornithologique malgré mon très grand appétit:  il ne faut pas abuser des bonnes choses surtout qu'une fine pluie s'est installée pour quelques heures, chanceux déjà d'avoir évité un orage.

Rendu chez-moi, l'observation du probable Casse-noix d'Amérique se confirme via mon Guide d'identification des oiseaux de l'Amérique du Nord et je prépare mon repas, celui-ci pour nourrir mon corps, sans noix au menu.