Quelle famille!

 

A la mi-mars 1993, je marche en direction de la voie ferrée, sur une route secondaire, par une magnifique journée ensoleillée et j’essaie déjà de retracer les Alouettes hausse-cols, recensées deux jours plus tôt. À peine engagé sur ce chemin aux côtés gravelés, je les surprends avec mes jumelles, justement en pleine action près de la surface asphaltée et plus je m’approche, plus elles deviennent nerveuses pour, enfin, s’envoler vers l’avant et recommencer à fouiller les grains de sable; je suis trop concentré sur ces dernières et je ne remarque pas les cinq oiseaux d’allure brunâtre, qui, subitement, s’élèvent vers un jeune érable, près de la route, suivis d’un Bruant des neiges.

 

 

Je ne perds aucune seconde et mon objectif est atteint lorsque les six voltigeurs apparaissent dans mes loupes, dont cinq appartiennent à la famille des bruants et plus précisément, comme espèce, à des Bruants lapons : ces habitants de la toundra n’osent effectuer que de rares et brèves visites dans ma localité (ce qui est un peu regrettable) mais aujourd’hui ils sont là et c’est ce qui compte.

 

Un repas raté

 

Un ciel nuageux de fin de mars s’offre à mes pupilles lorsque je daigne regarder dehors et de mon poste d’observation, près de la fenêtre et à peine assis avec mes "Tasco", à l’œil nu, j’entrevois une masse imposante, perchée sur une branche d’un saule adulte au bord de la rivière; la posture de cet oiseau format géant me fait penser immédiatement à celle d’un vautour mais je ne le crois pas, surtout à cette période de l’année. J’enligne de mes jumelles cette étrange bête ailée et je dois me rendre à l’évidence car c’est bel et bien un Urubu à tête rouge, avec sa petite tête rougeâtre penchée vers l’avant et regardant la neige, semblant fixer un point très précis, peut-être un repas par exemple; je me demande bien qu’est-ce qui peut être l’objet de sa convoitise car, au premier abord, il n’y a aucune nourriture.

 

 

C’est alors que la petite lumière s’allume dans ma tête pour me souvenir du rejet d’un surplus de gras animal la semaine auparavant, à l’orée du sous-bois et c’est sans doute cette vision qui l’hypnotise tant. Il n’y goûtera pas car, dans mon déplacement avec les jumelles, vis-à-vis la vitrine, des reflets le dérangent probablement et il s’envole, en planant gracieusement au-dessus de la rivière : fin des émissions.