PODIUM DES RISQUES ORNITHOLOGIQUES (2)

Article de Michel Bourassa

La médaille de bronze, déjà remportée par l'incident de la glace défoncée au canal de la Petite rivière Yamachiche, la seconde mésaventure, permettant l'obtention de celle d'argent, est peu fréquente mais très paniquante, surtout dû à l'endroit inconfortable et mérite certainement ce deuxième rang.

Le tout débute à la fin d'un avant-midi, lors d'une visite en chaloupe, à la "pointe Yamachiche" où je décide d'accoster cette dernière à l'embouchure de la Grande rivière, un peu à l'intérieur.  Après avoir fait un aller-retour dans le chemin entre la route asphaltée de la voie de service et la "pointe", le long duquel une tranquillité aviaire règne, j'entends, au loin, des cris plaintifs d'un rapace, provenant du boisé situé à l'autre versant de la rivière;  je m'empresse donc à me rendre à la barque et en quelques minutes, je suis déjà sur les lieux.

Ayant trouvé l'endroit idéal pour l'embarcation, soit enchâssé entre un arbre tombé dans l'eau et la côte du cours d'eau, je l'attache et je grimpe, me trouvant directement dans le sous-bois, entendant toujours les plaintes répétées du supposé épervier ou faucon. En avançant avec précaution, je réussis presque immédiatement à apercevoir l'auteur de ces lamentations et c'est un Épervier brun, dans le faîte d'un érable, se prélassant.

Je suis satisfait et je reviens au point de départ, soit à la chaloupe, mais comme la rive est abrupte (sa descente est plus difficile que sa montée), je repère une solide perche pour la planter dans la terre et je descends aisément dans l'habitacle. Dès que j'arrive à l'avant pour détacher le câble à la branche du tronc d'arbre, je me sens piquer au coude et au poignet pour voir aussitôt une armée de guêpes s'amener de la rive et tournoyer autour de mon corps et me darder à trois reprises au ventre et en une occasion, à l'aisselle droite (j'ai perforé un nid dans la terre).  En plus, j'en ai une au coin de l'œil droit (le seul œil par lequel je vois parfaitement) et une autre, dans l'oreille droite, qui tente d'y entrer.

Incapable de détacher la corde d'une main, tout en essayant d'enlever les guêpes qui me piquent partout, je prends panique et je lâche tout pour arracher au plus vite celle que j'ai à l'œil (craignant de le perdre dû à une piqûre) et ensuite, je saisis l'autre, dans l'oreille, en tirant rapidement dessus; pendant ce temps, une autre me pique au ventre (quand ça va mal, ça va mal).

Ayant évité le pire, même entouré de l'essaim, je tire enfin sur la corde et, malchanceux, la barque est coincée, m'obligeant encore à me défendre contre mes ennemies ailées; en forçant, je réussis enfin à la dégager et je démarre le moteur pour remonter la rivière, poursuivi des guêpes, dont deux d'entre elles sont encore avec moi.  Je vérifie le nombre de piqûres et j'en compte au moins sept, pour ensuite sortir du cours d'eau en toute vitesse afin de semer les dernières attaquantes; je me retrouve sur le lac St-Pierre pour remarquer la présence d'une autre poursuivante, décidément tenace.

En route pour le domicile, elle capitule, et je peux soupirer et relaxer un peu, tout en sentant brûler les piqûres, ne connaissant pas encore le truc consistant à mettre de la terre sur celles-ci pour atténuer l'intensité des démangeaisons.  À la maison, l'alcool à friction effectue quand même son travail et je remercie le ciel de ne pas avoir eu de piqûres à l'œil droit, ma plus grande angoisse lors de cette malencontreuse situation, ce qui aurait pu être une catastrophe.

Le lendemain, en passant en vélo, en face de l'endroit fatidique, une guêpe m'attendait au chemin menant à la "pointe Yamachiche";  vraiment, elle ne m'avait pas oublié !