LA PÊCHE COMMERCIALE À YAMACHICHE (Partie 2)

Article de Michel Bourassa

Avec la venue du moteur hors-bord remplaçant les rames sur la chaloupe et les filets de pêche confectionnés avec de la corde de nylon prenant la place de la corde de coton (la durée de ces filets devenait prolongée de plusieurs années), la pêche commerciale au lac St-Pierre prenait une première expansion par le sauvetage d'un temps précieux dans l'exécution du travail sur l'eau pour en ajouter à la maison pour la transformation du poisson, augmentant considérablement les quantités à vendre (surtout la barbotte); ces deux améliorations se produisaient dans les années 1950.

Par le fait même, les volumes d'Anguilles d'Amérique et d'Esturgeons jaunes devenaient plus importants pour assurer de meilleurs revenus aux pêcheurs.  Certains d'entre eux décidèrent alors d'abandonner leurs à-côtés et de se lancer uniquement dans cette activité commerciale.  La pêche à la "ligne dormante" pour la capture de l'anguille et de l'esturgeon prenait, à son tour, une plus grande place tout en ajoutant les filets maillants (soit des rets) pour l'esturgeon, spécifiquement.

Les pêcheurs commerciaux devenaient presque à leur insu, chacun de leur côté, des petites entreprises familiales assez bien structurées malgré le peu d'instruction de quelques-uns d'entre eux.

Dès le début des années 1960, un pêcheur de Yamachiche, soit Antonio "garçon" Lamirande, a révolutionné ce métier difficile en mettant en marché un poisson jusque là rejeté par tout le monde (même les pêcheurs commerciaux), soit la Perchaude; à noter que ce poisson aura un espace privilégié dans cette chronique lorsque son historique paraîtra dans un avenir plus ou moins rapproché, selon le moment jugé approprié par l'auteur de ces lignes (peut-être seulement en 2007).

La Perchaude en filet est devenue la ressource halieutique la plus importante pour tous les pêcheurs commerciaux dans les décennies 1960, 1970, 1980 et 1990 et a largement contribué aux revenus plus élevés de ces derniers. Avec les autres espèces lucratives dont le Crapet-soleil qui prenait aussi de la popularité en filet, la Perchaude, comme poule aux œufs d'or, semblait assurer une sécurité à long terme pour les exploiteurs de la première heure mais les années 1990 annonceront une mauvaise nouvelle.

La pêche non contrôlée avait eu raison de ce poisson, pourtant très productif au niveau de la reproduction, et les exploiteurs des ressources du lac St-Pierre ont dû se rabattre sur le Crapet-soleil, un poisson qui devait prendre la relève de la Perchaude mais beaucoup moins abondant dû à un plus faible taux de reproduction.

Malheureusement, le Crapet-soleil a connu, à la fin des années 1990, un triste sort comme espèce lorsqu'un automne, la plupart des individus ont envahi les fossés des terres agricoles, communiquant avec le lac St-Pierre et sont morts gelés dans ceux-ci pour les retrouver au printemps, flottant à la sortie de ces tombeaux naturels.

La Perchaude en baisse, conduisant à des quotas de captures pour les pêcheurs tant dans la quantité de celles-ci et dans leur longueur (réglementée à la hausse) que pour le nombre de filets de pêches (à la baisse au printemps) menant automatiquement à une diminution annuelle du volume de prises, les pêcheurs commerciaux voyaient venir l'inévitable.

Et l'inévitable est arrivé en 2005, soit le rachat par le gouvernement provincial de 17 permis de pêche commerciale du lac St-Pierre.  Ce rachat de permis, selon les instances gouvernementales, est pour permettre la survie de la pêche commerciale au lac St-Pierre, mais il y a un sérieux doute sur cette affirmation.

En effet, car, en plus des quotas sur la Perchaude, il y a aussi les fameux quotas depuis 5 ans sur l'Esturgeon jaune, quotas ridicules, enlevant au moins 65% des prises aux pêcheurs et diminuant d'autant leurs revenus; ajoutons à cela les quotas sur la perchaude et l'interdiction complète de pêcher le Doré jaune depuis 1970 (pendant que les pêcheurs en aval du Pont de Trois-Rivières le capture) ce qui mènera à une catastrophe imminente.

La création d'une aire faunique au lac St-Pierre, officialisée en avril 2006 par le gouvernement du Québec, n'aidera en rien à l'avenir de la pêche commerciale.  Malgré ce pessimisme rempli de lucidité, j'espère que ce métier va exister au moins pendant une autre décennie pour les pêcheurs qui restent.