LA PÊCHE COMMERCIALE À YAMACHICHE

 (Partie 1)

Article de Michel Bourassa

Au lac St-Pierre, la pêche commerciale existe depuis le début des années 1880, soit environ 125 ans; ce métier a permis à des dizaines de pères de famille de faire vivre les leurs, même si dans les premières décennies, le poisson était difficile à vendre dû à la rareté de l'argent.

Les pêcheurs de Yamachiche se trouvaient dans la même situation et pour la plupart, ils avaient d'autres à-côtés pour survivre car la vie était difficile à cette époque, soit au début du 20e siècle.

Ils se rendaient sur le lac St-Pierre à la rame ou à l'aviron, selon les endroits de pêche, ce qui représentait déjà une importante perte de temps avant de commencer leur journée.  Les embarcations, plus étroites et moins longues que celles d'aujourd'hui (dû la façon de se déplacer), représentaient un réel danger lors des vents, pouvant chavirer à tout moment.

Les espèces de poissons capturés ayant une valeur commerciale étaient l'Anguille d'Amérique, la Barbotte brune, le Doré jaune, le Brochet du Nord, la Barbue de rivière, le Bar rayé, l'Alose savoureuse et l'Esturgeon jaune.  Il est à noter que le Doré jaune et le Brochet du Nord étaient des captures permises et que la Perchaude et le Crapet soleil correspondaient à des poissons indésirables.

À Yamachiche, la famille de pêcheurs commerciaux la plus illustre fut celle des Lamirande avec Joseph, le père, et ses fils, Donat, Henri (quelques années de pêche seulement pour les deux), Joseph et Antonio ("garçon" comme surnom) celui-ci ayant pêché le plus longtemps.

D'autres pêcheurs, comme Ludger Drolet, Napoléon "Paul" Bourassa (mon père), un dénommé Blanchette, Roland Béland, du chemin Rivière-du-Loup, et Jean-Jacques Turner, ont aussi œuvré dans ce domaine entre les années 1930 et 1980; personnellement, j'ai débuté en 1973 pour terminer officiellement en 2007, ce qui mettra un terme à la pêche commerciale comme métier pour un citoyen de Yamachiche.

Les années précédant 1950, avant l'arrivée du moteur hors-bord, les pêcheurs devaient être débrouillards pour joindre les deux bouts et tout était bon, soit la chasse à la grenouille dans les champs et du ouaouaron dans les herbiers du fond des baies du lac St-Pierre, soit la vente de fruits et légumes ramenés du marché public de la ville où la vente du poisson s'effectuait (Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine, Shawinigan ou Grand-Mère), soit la pêche au "petit poisson des chenaux" à l'embouchure de la Petite rivière Yamachiche, l'hiver et/ou la cueillette des billes de bois échappées des estacades de la rivière St-Maurice lesquelles, par les vents de l'est, se retrouvaient à la rive nord du lac St-Pierre et servaient à construire des petits bâtiments (poulailler, remise, garage) ou à vendre à des concitoyens, après avoir passé (les billes) au moulin à scie local. Le travail de nuit dans une usine ou dans un commerce à Yamachiche ou à Louiseville, avec plusieurs bouches à nourrir pour la majorité de ces pêcheurs, était aussi l'une des solutions.

Même si ces derniers, avant 1950, menaient une vie simple, ils trouvaient souvent le moyen d'aider les plus pauvres qu'eux; quelques-uns, lors de leur randonnée dans les rangs et les villages voisins pour la vente du poisson, (soit en voiture tirée par un cheval ou soit en camion), au retour à la fin de la journée, leur donnaient cette denrée alimentaire au lieu de la gaspiller.  Ces personnes bénéficiaires se sont souvenues plus tard de ces gestes honorables et sont devenues de fidèles clients pour ces pêcheurs; les enfants de ces familles, à l'occasion, signalaient cette générosité lors de ces temps durs.

Souvent, les pêcheurs revenaient du marché public avec la moitié de leur cargaison, situation occasionnée par la pluie, une affluence moindre au marché ou même, une compétition féroce d'un autre pêcheur; ces raisons, alliées à un faible système économique sous le régime de Maurice Duplessis (sans faire de politique !), expliquaient le tout.

Avant que la pêche commerciale se développe suffisamment au lac St-Pierre pour réussir à en vivre comme seul métier, il a fallu que le progrès amène le moteur hors-bord, dans un premier temps et ensuite qu'une nouvelle espèce de poisson soit exploitée, la perchaude.

Il en sera question dans un prochain texte traitant des années après 1950.

Dans la première moitié du 20e siècle, les filets de pêche (verveux) étant fabriqués par les pêcheurs eux-mêmes, soit "tricotés" avec de la ficelle de coton, laquelle "cassait" facilement dans les mois de chaleur, à l'été, même si les filets étaient goudronnés à chaque printemps avec du goudron chauffé dans un bassin (appelé communément "caltor"), opération très délicate car on pouvait facilement brûler ou affaiblir les verveux si le liquide était trop chaud; on pouvait aussi "déchirer" les fils si on ne les tendait pas et qu'on les "étirait" après une température trop froide.  Il fallait, à chaque année, confectionner de nouveaux filets pendant l'hiver.

(à suivre) ...