UNE MORT HORRIBLE

Article de Michel Bourassa

En cette fin du mois de décembre 2001, la neige recouvre déjà les berges du lac St-Pierre, où je me trouve en cet instant, et je n'espère que très peu de choses provenant du monde aviaire dans cet environnement hostile.  Mais, comme il faut continuellement être à la recherche de l'oiseau rare qui peut se présenter n'importe où et n'importe quand, c'est ce que je fais, même si la surface de l'eau, près du rivage, est complètement gelée.

L'amoncellement de plaques de neige sur les plantes aquatiques jaunâtres, presque écrasées au sol, ne présage qu'une très mince récolte en espèces d'oiseaux.  Tout en scrutant les cieux, parsemés de quelques nuages, ma progression me conduit à la rive du lac pour me projeter, implacablement dans les yeux, une vision d'horreur, croyant rêver, à première vue.

En effet, aux premiers mètres et dans la glace, un Canard colvert mâle est mort, congelé, et dans une position habituellement très spectaculaire, soit celle d'un départ rapide, s'élançant de l'étendue liquide avec les ailes ouvertes, desquelles de fines gouttelettes d'eau coulent.

Ce colvert, d'une impressionnante beauté, à la moitié du corps emprisonnée dans la glace et ses ailes déployées montrent de larges glaçons se rendant à la surface durcie.  Avant de mourir, il doit avoir tout tenté pour se libérer mais, probablement que ses plumes, au contact de l'eau, étaient déjà soudées à cet élément, expliquant les efforts désespérés exprimés par le bec ouvert et la tête pointée vers l'azur.

S'était-il endormi ?  Était-il blessé et trop faible pour bouger ?  De toute façon, sa mort doit avoir été lente à en juger par les coups d'ailes dans l'eau qui ont éclaboussé les alentours et creusé le frasil, avant son changement en glace.

Cette fin tragique de ce Canard colvert se fait un peu oublier par l'arrivée d'une centaine de Bruants des neiges, pour annoncer que la vie continue.