UN GARDIEN À PLUMES

Article de Michel Bourassa

 

Régulièrement, des gens me racontent leurs expériences avec les oiseaux et l'une d'elles est réellement très intéressante à plusieurs niveaux.  Ce témoignage véridique, s'échelonnant, sur une période de 18 mois environ, ressemble à une belle histoire au dénouement inattendu mais la réalité dépasse la fiction et voici les principaux moments de celle-ci.

Le tout débute par la découverte d'une Crécerelle d'Amérique, seule, dans les premiers jours de sa vie.  Lorsque le pourvoyeur d'une famille de Yamachiche, en accord avec son épouse et ses enfants (déjà dans l'adolescence pour ces derniers) décidèrent de jouer aux parents avec ce jeune rapace, ils ne savaient pas dans quel bateau ils s'embarquaient et ils ont dû souvent improviser.  La nourriture, pour un tel oiseau, correspond à de la chair animale comme des petits rongeurs et des couleuvres et pour compenser ce manque, la solution idéale était d'acheter de la viande rouge à la boucherie et de la couper en cubes; lors de cette opération pour le repas du pensionnaire à plumes, celui-ci se tenait patiemment sur le comptoir, attendant le signal pour manger et en aucun temps, il n'osait défier son "parent adoptif":  déjà, il obéissait, facilement à ce premier commandement.  Pour ses "appartements", un coin de la maison, spécialement aménagé pour Naska (ainsi surnommé) en une mini niche, faisait l'affaire et pour ses besoins essentiels, le fond de l'évier était parfait.

Par chance, cette Crécerelle d'Amérique représentait la docilité et l'affection en plus d'être obéissante et en voici un exemple:  fréquemment, lorsque tous les membres de la famille (les animaux de compagnies inclus) se trouvaient devant le téléviseur, elle s'empressait à les rejoindre pour, soit se poser sur le dos du chien ou sur la tête du chat, soit se coucher sur l'épaule du "maître de la maison", soit se diriger vers l'abondante chevelure d'un des enfants et de lever alternativement ses pattes afin de "se faire" les griffes.  Même la perruche passait son temps, perchée sur le dossier d'une chaise, à admirer Naska.

Territoriale, elle se tenait régulièrement au centre de la table de cuisine, son endroit de prédilection, et piétinait sans relâche sur place tout en tournoyant à plusieurs reprises.  Elle remplaçait souvent aussi le chien, en criant fortement tout en se déplaçant de gauche à droite devant la fenêtre, lorsqu'une auto entrait dans la cour.

Mais une journée froide de janvier devait changer son destin car, inhabituellement, la porte derrière du domicile étant laissée ouverte, notre petit prédateur ailé décida de suivre le propriétaire, pour son grand malheur.  Trop habituée à l'intérieur, réduisant ainsi son système immunitaire, elle commença à tousser, à de moins en moins manger pour, à la fin, et ce, en quelques semaines, dépérir rapidement et mourir.

Cette aventure vécue par cette famille fut palpitante et enrichissante mais ne serait pas répétée si une situation semblable revenait car c'est trop captivant et surtout chagrinant face à un tel dénouement.  D'autant plus que l'élevage à l'intérieur d'un oiseau sauvage du Canada dans notre pays est interdit par la loi, ce que plusieurs personnes ignorent (à moins d'avoir un permis pour un cas spécial et encore…).