Les boules de quilles

 

Je tourne en rond dans la maison comme un lion en cage en ce début de matinée de février, et malgré le froid et la poudrerie à l'extérieur, je m'habille chaudement pour prendre la route en direction de la voie ferrée.

 

Il ne fait pas chaud avec le vent, souvent en rafales, mais j'arrive enfin à destination en espérant observer quelques espèces d'oiseaux seulement, pas plus, dans cette température exécrable. Placé près des rails, j'examine les champs, au loin, sans l'ombre d'une plume, ayant pris la précaution de tourner le dos aux assauts éoliens; je me doutais un peu de cette absence tout en enlignant la voie ferrée et apercevoir à l'horizon cinq Pigeons bisets la survoler et s'y poser.

 

À l'avant de ces columbidés, trois Corneilles d'Amérique semblent avoir trouvé de la nourriture près du chemin de fer et se promènent d'un côté à l'autre. Soudain, malgré la violence du vent nord-est qui assaille mon visage et me fait froncer les sourcils, en plus de la neige poudrée qui vient fondre sur la peau de mes joues, je remarque, à peine, dans ces nuages de fins flocons, quatre Bruants des neiges courant entre les rails et qui ressemblent à des cailloux blancs marbrés de noir et de brun, munis de petites pattes. Ces bruants sont fébriles et aidés des rafales, ils avancent tellement rapidement qu'ils trébuchent, à l'occasion, sur les dormants glacés de la voie.

 

Occupé à suivre ces cailloux pattus, je ne me rends pas compte de la présence de douze Perdrix grises qui les suivent à une distance respectable mais qui se rapprochent d'eux assez vite comme des boules de quilles semblant avoir la mission de les abattre. À ma proximité, les bruants et, ensuite, les perdrix, s'envolent pour me contourner et poursuivre leur progression entre les rails.

 

C'est une étrange vision que cette course effrénée sur la voie ferrée, telle une séquence comique d'un film de Laurel et Hardy, d'autant plus qu'en ce moment, l'air ( presque sibérien ),  commence à avoir quelque peu raison de mon cerveau  " engourdi " et j'entreprends de rentrer au bercail tout en songeant à cette scène inédite et me félicitant de cette sortie pédestre.