POUR VOIR SA "BINETTE"

Article de Michel Bourassa

 

Le 1er septembre 2003, peu après midi, je me prépare à quitter la "Pointe d'Yamachiche" pour le domicile afin de prendre un léger goûter en cette journée ensoleillée lorsqu'un ami observateur, Jacques Gélinas, arrive, suivi de très près par un jeune couple de la région de Québec, auxquels je transmets mes trouvailles qui se résument à des Tournepierres à collier, à des Bécasseaux de Baird et à une Mouette pygmée.  Après ce bref entretien avec ces trois remplaçants imprévus, je décampe au plus vite car je veux revenir le plus tôt possible au cas où le Bécasseau roussâtre se présenterait dans les parages, une probabilité de plus en plus grande du fait que nous sommes dans sa période de "passage".

Chez-moi depuis quelques minutes, je viens à peine d'entamer mon repas froid que le téléphone se fait entendre pour reconnaître, au bout du fil, la voix de "maître" Jacques qui m'annonce, de l'appareil cellulaire du couple québécois, la présence de la Mouette de Sabine, à la "fameuse pointe" et, sans hésiter, je raccroche, avale en vitesse un dernier morceau de viande ainsi que le reste de mon eau gazeuse et sors, à la course, en empoignant mon vélo.

Dans mon énervement, le premier kilomètre des rues asphaltées disparaît comme par enchantement dessous les roues pour me voir, par la suite, ralentir sur le parcours gravelé, tellement mes jambes ne suivent plus le rythme des pédales, d'autant plus que les trous habituels de la voie semblent plus profonds.  En sortant de la route "La Bezotte", je me calme un peu tout en gardant une vitesse respectable et continue, pour enfin aboutir au chemin de terre conduisant au lac St-Pierre; je mets toutes mes énergies sur les pédales dans un dernier élan car je sais que chaque minute perdue est une chance de moins pour observer cette mouette.

Après avoir presque perdu le contrôle de ma bicyclette à deux ou trois reprises, dû aux ornières et aux nids de poules de la surface terreuse, j'arrive sain et sauf à la "pointe", tout en m'enfargeant dans les guidons en "sautant" du vélo, sans tomber, heureusement.  Je cours partout, comme un chien fou, cherchant Jacques Gélinas, qui me voit et me crie que la Mouette de Sabine est encore là mais de faire vite:  ce n'est que ça que je fais depuis que j'ai quitté la maison!...

J'arrive près de l'eau, mais en regardant avec mes jumelles, je ne la repère pas et je panique en m'exclamant "elle est partie", mais la conjointe du couple me rassure en la voyant encore dans sa lunette d'approche et m'offre de regarder cette "première" pour Yamachiche.  J'ajuste l'instrument et j'aperçois la "responsable" de ma folie passagère, une splendide Mouette de Sabine (immature) au plumage brun, lequel m'a trompé, car je cherchais une adulte.  Je n'aurais jamais crû me servir un jour de mes jambes pour observer un oiseau car si j'avais retardé seulement de cinq minutes, c'était foutu, la voyant déguerpir dans les trois minutes après mon arrivée.

Je remercie de tout cœur Jacques et les deux complices de Québec pour leur collaboration très spéciale et je ne suis pas prêt d'oublier ce moment très intense, dans tous les sens du mot, en ayant presque perdu les "pédales".