Il faut avoir l'oeil

 

Articles de Michel Bourassa

 

Pour ajouter un coulicou à sa liste annuelle d'observation, ça prend généralement beaucoup de chance à moins de savoir à coup sûr où une des espèces se refuge, surtout le jour, car il est introuvable dû à son immobilisme dans la densité de la végétation au sol ou dans les arbres mais, j'ai pu, grâce au destin, en recenser deux espèces lors de circonstances différentes.

 

Le Coulicou à bec jaune est surpris, lors d'un envol à sa sortie des aulnes, près du sol, à l'autre versant de la rivière. Assis à la rive opposée, j'assiste à ce déplacement du coulicou, ailes pendantes aux primaires rousses, lequel se précipite, à courte distance, dans d'autres arbustes au feuillage fourni; un court instant que mes jumelles réussissent adéquatement à saisir et à imprimer les précieux détails dans mon cerveau, menant éventuellement à la certification de l'individu.

 

Quelques années plus tard, la tâche devient plus difficile car, après avoir débusqué accidentellement un coulicou, couché par terre dans une touffe d'aulnes, il s'élance dans les hauteurs d'un saule adulte et il s'y camoufle. Dans ma tentative de le retrouver sans le faire fuir, j'ai les rayons du soleil directement dans mes loupes et je dois obtenir un angle pour les parer, ce que je peux faire tout en découvrant le lieu où le coulicou est perché mais, il est presque totalement habillé par les feuilles, ne laissant voir que sa longue queue, une partie du ventre tout blanc et la tête avec le bec obstrué par la verdure.

 

Je m'évertue à percer les ombrages et à éviter les reflets aveuglants pour enfin capter dans mes 7 X 35, et ce parfaitement, son oeil tout rouge, au côté gauche de sa tête et je me réjouis de mettre un nom sur lui, soit le Coulicou à bec noir, grâce à cet oeil qui me regarde, hypocritement, bien à l'abri au faîte de cet arbre adulte. Je me retire afin de ne pas l'importuner plus longtemps; une opération délicate mais remplie de succès.

 

D'où vient-il ?

 

Concentré déjà depuis quelques minutes sur des canards, au large du lac Saint-Pierre et à l'embouchure de la Petite rivière Yamachiche, après avoir inventorié les espèces, je change ma position et recommence vers l'autre rivière pour y trouver une quinzaine de Canards noirs et Canards colverts, assez loin, avec, parmi eux, une autre espèce, plus petite et blanchâtre: j'ai beau essayer de me remémorer toutes les possibilités dans les diverses catégories de canards, je ne peux y mettre un nom, surtout que cet individu ailé est trop loin pour l'identifier correctement; je suis quitte à délaisser les lieux sans réponse. Je reviens le lendemain et au même endroit, mais plus près de la rive; la même bande de Canards noirs et colverts s'y trouvent et ces derniers entreprennent leur entrée dans la petite anse pour s'abriter du vent qui augmente en intensité. C'est à ce moment que je revois mon palmipède blanc, lequel, plus petit et aux pattes et bec orangés, suit comme un petit chien; c'est un Canard blanc à l'état sauvage et je me demande d'où il vient et que fait-il avec les noirs ?