À découvert

 

Un des premiers jours d'avril m'apporte une satisfaction particulière en début de soirée avec l'atterrissage aussi soudain qu'inattendu d'une Bécasse d'Amérique qui, généralement, est d'une discrétion exemplaire au point de ne jamais être dans la possibilité de l'observer plus de quelques secondes pour la voir se camoufler immédiatement. Actuellement, bien assis à ma fenêtre et au chaud, j'ai le loisir de l'examiner sous toutes ses coutures, si on peut dire, et je ne m'en prive pas car c'est peut-être la seule occasion qui va se présenter: elle se déplace tout près de la rivière en contournant les dernières traces de neige.

 

Le lendemain matin, elle est au rendez-vous au même endroit mais cette fois, en compagnie d'un congénère, le complément du couple sans doute, et j'ai la chance de jouir de ce cadeau de la nature jusqu'au crépuscule; avec leur poitrine dodue et d'un certain rouge brique, de grands yeux, un long bec, un corps trapu surmonté sur de courtes pattes, je n'en reviens tout simplement pas du privilège unique que ces deux Bécasses d'Amérique m'accordent, elles, toujours si secrètes.

 

Des fruits vivants

 

Sur le chemin du retour, lors d'une période d'observation près du Lac Saint-Pierre, au loin, j'ai une vision un peu imprécise d'un arbre, au milieu du champ dans lequel plusieurs fruits semblent encore être fixés malgré le passage de l'hiver, car le printemps en est à ses débuts en ce jour d'avril; cette perception est impossible parce que ce n'est pas un arbre fruitier mais un érable et aussi, les oiseaux hivernaux l'auraient depuis longtemps dépouillé de son contenu en profitant de cette manne.

 

Je sais bien que c'est une bande du monde des oiseaux qui occupe complètement l'espace des branches et arrivé à la hauteur de ce feuillu, mes soupçons se confirment car c'est bel et bien un rassemblement de Bruants des neiges, au repos et silencieux, réchauffés par les rayons du soleil, lequel se fait un devoir d'effacer les dernières traces de neige dans les labours, premier signal pour le départ prochain de ces bruants vers d'autres cieux plus nordiques; les petits fruits vivants dégarniront alors cet érable pour laisser la place aux feuilles et samares.