LE PETIT CANARD BLANC

 

                                                      Texte de Michel Bourassa

 

                                                      Photos : Jacques Gélinas

                                                                     Alain Maire

À Pointe-Yamachiche, lors de l’arrivée des premiers observateurs d’oiseaux au matin du 3 août 2016, il se trouve quatre petits canards sur l’onde de l’embouchure de la rivière, soit deux petits canards du style colvert et deux petits canards blancs au bec orangé, tous d’élevage; cette affirmation vient d’une vérification faite auprès d’un voisin du propriétaire de cette sauvagine, laquelle s’est échappée ou volontairement laissée libre du terrain situé le long du lac Saint-Pierre, à Yamachiche.

 

Ces quatre individus aviaires ont passé la journée dans l’environnement immédiat de la « pointe » et ils ont été revus ensemble pendant les trois jours suivants. À la quatrième journée, un petit colvert manquait et ce fut ensuite au tour du deuxième de cette espèce à ne plus être vu dans la même semaine. Demeurant seuls, les deux petits canards blancs ont commencé à se familiariser avec la présence des promeneurs et des ornithologues amateurs, pour même oser se promener près de ces gens. Au bout d’une dizaine de jours, un ami observateur-photographe a pris ces deux canards blancs en pitié et a commencé à les nourrir avec du maïs cassé et ainsi les apprivoiser, tellement que dès l’oubli d’un apport de ce dit maïs, les deux jeunes barbotteurs au bec orangé se promenaient autour de mon ami pendant plusieurs minutes, ce avant de partir chercher leur pitance ailleurs, soit dans les alentours. Mon copain d’observation était devenu leur père adoptif!

 

Le même profil de pourvoyeur s’est produit quelques temps plus tard, cette fois-ci avec une observatrice d’oiseaux, laquelle amenait de la nourriture à nos deux compagnons d’observation; ceux-ci avaient ainsi trouvé leur mère adoptive de l’après-midi, après avoir eu leur père pour l’avant-midi : ainsi, ils pouvaient être certains de manger régulièrement! Nos deux amis de la gent ailée en étaient venus à se promener sans crainte parmi plusieurs utilisateurs de la « pointe » tout en conservant une distance raisonnable entre eux et ces dites gens; par contre, ces petits canards blancs reconnaissaient rapidement les « parents adoptifs » et les proches (ceux et celles qui fréquentaient souvent les lieux). Fin août ou début septembre, un des deux individus n’a plus été revu (capturé par un prédateur?).

 Une anecdote émouvante au sujet du canard restant est la suivante : après s’être rassasié de la bouffe apportée par sa « mère adoptive », laquelle mère était assise à proximité, le canard est venu se coucher sur ses pieds, se sentant ainsi en sécurité. Vraiment attendrissant! Le 30 août, mon arrivée soudaine à Pointe-Yamachiche lui a probablement sauvé la vie, car deux braconniers venaient déjà de tuer des Pluviers semipalmés et des Bécasseaux semipalmés et l’un d’eux s’avançait vers lui lorsque je lui ai signalé qu’il n’avait pas le droit de chasser à ce site, surtout avant l’ouverture de la chasse. Le petit canard blanc, devenu la « mascotte » des lieux, était vraiment vulnérable à ce moment, se trouvant couché sur une butte de terre noire, ce près de l’eau et à découvert!

 

Le 24 septembre, à  l’ouverture de la chasse à la sauvagine, notre « mascotte » était encore vivante à notre arrivée sur la plage de la « pointe », mais l’on s’inquiétait énormément pour sa vie, comptant même les jours qui lui restaient à s’en tirer avant de se faire tirer. Après l’avoir revu jusqu’au 28 septembre et l’avoir capturé sur image par quelques clichés, une solution avait été trouvée pour le sauver, soit l’amener dans une cage sur une ferme dont le propriétaire avait accepté de l’accueillir. Mais, la journée du 29 ou 30 septembre, laquelle devait être celle du jour J, n’a pas été fructueuse pour le « bon samaritain » (dans ce cas-ci, une observatrice-photographe), car le petit canard blanc ne s’est pas présenté, appréhendant le pire pour ce dernier.

Notre « mascotte » n’a plus été revue, probablement tuée par un chasseur; dommage, car ce canard aurait eu un refuge sécuritaire pour finir sereinement ses jours! Mais enfin, il aura eu des moments de liberté parmi ses congénères sauvages et il aura réussi à divertir plusieurs amants de la nature de Pointe-Yamachiche. Malheureusement, les histoires vraies n’ont pas toujours une belle fin.