PARTENAIRES  D’OCCASION

 

                                                   Texte de Michel Bourassa

 

             Habituellement, à Pointe-Yamachiche, lorsqu’il reste une Oie des neiges ou quelques-unes de cette espèce d’oiseau à la mi-juin, c’est parce qu’elle(s) est ou sont malades, blessée(s) ou même veuf(s) ou veuve(s), selon le sexe. Alors, c’est dans la solitude et dans le danger permanent que chaque individu se retrouve et certaines oies réussissent à survivre jusqu’à la fin septembre, soit jusqu’au début de la saison de la chasse au canard, ayant toujours lieu le premier samedi dépassé le 20 septembre de chaque année; pour ce faire, le partenariat avec d’autres oiseaux d’eau est de mise afin de mener à bien leur stratégie respective et un tel cas s’est présenté à l’été 2010.

 

            Le 13 juin 2010, une Oie des neiges se retrouve seule à Pointe-Yamachiche, ce qui est arrivé régulièrement au fil des ans; le 18, c’est au tour d’une Bernache du Canada de nager en solitaire près de la rive de ce même lieu et ce, avec l’aile droite brisée. Le 20 juin, une deuxième oie accompagne la première et il en est encore ainsi le 23, tout en voyant la même bernache sur l’eau, se rapprochant de la plage où est le couple d’Oies des neiges. Dès le 27, une troisième oie se greffe au duo et ce, jusqu’au 5 juillet, demeurant par contre, toujours un peu à l’écart, la rendant plus vulnérable; la Bernache du Canada se promène régulièrement entre ces oies blanches.

 

            Dans les jours suivants, le portrait va changer pour ces individus aviaires car, par un matin ensoleillé, le spécimen esseulé des oies gît inerte dans la végétation, ayant rendu l’âme pendant la nuit : les membres du couple de cette espèce ne semblent guère se soucier de cette mort de l’une des leurs, ayant presque toujours vécu à l’écart de cette oie célibataire; la bernache blessée se rapproche quelque peu des deux oiseaux blancs lors de ses déplacements. Après une dizaine de jours sans histoire, une des deux oies disparaît et ne revient plus, laissant l’autre dans l’insécurité et permettant ainsi à la bernache de l’approcher et de la côtoyer de près pour la première fois le 25 juillet; tout en formant, en apparence, un couple, la bernache et l’oie s’ignorent mutuellement, devenant des partenaires d’occasion.

 

            Cette association de raison, a probablement comme principal but de se sentir plus en sécurité tout en ayant de la compagnie, suppléant quelque peu à la perte des partenaires respectifs et elle durera jusqu’au 10 septembre 2010. Le 12, une autre Oie des neiges passe dans le secteur et vient rejoindre celle sur le site, prenant la place de la bernache en la tassant, ce qui ne fait nullement l’affaire de cette dite bernache, laquelle tente en plusieurs occasions de suivre sa compagne des derniers jours, mais en vain, et elle doit se résigner à s’éloigner. Ce nouveau duo d’Oies des neiges va résister jusqu’au 21 septembre, pour voir revenir la Bernache du Canada avec l’oie, encore seule, le 26, et ce, depuis au moins le 23. Lors de  ma dernière visite à Pointe-Yamachiche, le 27, où j’ai eu la chance d’observer un énergique Mésangeai du Canada, la Bernache du Canada et l’Oie des neiges étaient couchées l’une près de l’autre, représentant la dernière fois de la vue de ce duo disparate, puisque les jours suivants ont été marqués par de forts vents et par de fortes pluies, celles-ci souvent diluviennes, augmentant considérablement le niveau du lac Saint-Pierre et  rendant impossible la visite du site devenu inondé.

 

            Une consolation tout de même est que le couple d’oies handicapées (une bernache étant une oie) vivaient encore le 27 septembre 2010, soit deux jours après le début de la chasse au canard, un sursis pour ces deux créatures ailées, lesquelles étaient des plus captivantes à observer dans leurs comportements pendant une grande partie de la période estivale.