ACROBATIES POUR UN GRAND-DUC
texte de Michel Bourassa

 

        L’avant-midi du 26 juillet 2011 se passe dans une succession de trombes de pluies intenses, ne pouvant absolument rien faire dehors, pour voir enfin une accalmie complète dans le milieu de l’après-midi, même si le ciel est encore rempli de nuages, le rendant sombre; l’absence de pluie permet de me rendre à Pointe-Yamachiche, surtout afin de vérifier l’état du sentier menant à ce site. En parcourant le chemin à vélo, la situation est plus que respectable, n’ayant pas trop d’eau sur le sol et peu de végétation couchée et rabattue tout le long vers le centre du sentier; en somme, il n’y a presque rien à replacer dans ce dernier et il me reste qu’une chose à faire, soit me rendre observer les oiseaux à la « pointe ».

 

       Avant d’y parvenir, il faut que j’enjambe deux billots bloquant ledit chemin, un peu avant d’en sortir, tout en traversant le vélo; dès que je monte sur le premier tronc d’arbre, ayant déjà le bicycle soulevé et dans les airs, un oiseau se lève de terre, lequel est à peine 12 pieds à côté de moi (moins de 4 mètres). Ce paquet de plumes brun foncé s’arrête brusquement, se trouvant coincé dans un enchevêtrement de feuilles au sommet de jeunes saules, ceux-ci récemment couchés par un véhicule tout-terrain (VTT). Encore en déséquilibre sur le premier billot, je réussis à rejoindre le second et à poser le vélo sur les deux arbres tout en l’accotant sur ma hanche, avec encore les genoux pliés : une situation vraiment inconfortable, surtout que je ne veux pas voir l’oiseau quitter sans préalablement l’avoir bien recensé.

 

      Comme la végétation est des plus denses, il faut que je me penche un peu plus pour avoir une meilleure vision sur le spécimen ailé tout en gardant l’équilibre, tout en tenant bien que mal le bicycle et tout en conduisant les jumelles vers mes yeux : maintenant c’est fait! et ces yeux artificiels enfin bien ajustés me confirment que ce n’est nullement une Gélinotte huppée, par la dimension; mais ça correspond à quel oiseau, avec la tête entrée dans les broussailles et toute emmêlée? La réponse ne tarde pas, car cet occiput se déprend dans un recul et se tourne vers moi tout en me présentant deux grands yeux jaunes effarouchés, lesquels sont surmontés de deux aigrettes (petites oreilles) sur ladite tête : c’est un Grand-duc d’Amérique, lequel devait sûrement digérer le jeune Goéland à bec cerclé attrapé à la « pointe » (plumes seulement laissées, observation faite en continuant ma route vers celle-ci); aussi, il a peut-être été surpris à dormir près ou sur un de ces billots de bois.

 

      Le Grand-duc d’Amérique n’est pas nécessairement un oiseau rapace des plus rares, mais l’on n’en voit pas à tous les jours et on le prend quand il se présente. Ce qui est par contre rare, c’est la manière insolite par laquelle il a été repéré et dans la position dont j’ai été placé pour l’identifier : je ne pense pas que ça va se représenter de sitôt!