LE PIC TANT ATTENDU
Article de Michel Bourassa
L’observation d’un oiseau exceptionnel est toujours
imprévisible et pour obtenir cette faveur aviaire, il faut avoir toutes
les planètes bien alignées, comme l’on dit
habituellement : le 9 février 2012 ne fera pas exception et vous
serez à même le constater lors des prochaines lignes.
L’odyssée hivernale, laquelle a déjà
été préparée la veille par mon interlocuteur Yves
de la région de Nicolet, ce par
téléphone, débute en ce 9 février dès la
sortie du restaurant A&W en revenant vers la partie ouest de la
municipalité de Yamachiche pour chercher le
Bruant chanteur, mais peine perdue. La chance commence à nous
accompagner lors de la traversée de la voie ferrée, recensant
deux Perdrix grises couchées entre les rails et nous entreprenons de
nous rendre au chemin Rivière-du-Loup comme première
étape; tout en discourant et philosophant sur la nature et l’ornithologie,
Yves et moi, remarquons une activité minimale dans la gent ailée,
après nos deux perdrix, voyant seulement quelques Plectrophanes
des neiges et une Buse à queue rousse, mais ça va changer en
arrivant dans le rang de la Mission, avec un Merle d’Amérique qui
passe en avant du véhicule et un groupe de cinq Perdrix grises qui se
promènent à l’arrière d’un bâtiment de
l’une des dernières maisons de ce chemin; en plus, onze autres de
cette espèce de perdrix marchent à l’accotement de la voie,
à environ 100 mètres et ce, au côté
opposé : déjà dix-huit Perdrix grises à notre
actif; excellent!
Nous décidons
de traverser le pont Masson afin de longer le rang Lamy, à
proximité de la Grande rivière du Loup, en direction Est et
seulement quelques Corneilles d’Amérique errent, ici et là,
nous laissant encore sur notre appétit aviaire; après avoir
été incapables d’identifier deux petites ombres chinoises
à la silhouette de Tarin des pins, ayant croisé notre route et
parties se réfugier dans les conifères de la cour arrière
d’une propriété privée, je suggère à
mon copain Yves de rebrousser chemin pour continuer notre itinéraire sur
le territoire yamachichois, mais il
préfère terminer jusqu’à la ferme du cul-de-sac
quant à être rendu si près : pas de problème!
À peine
arrivé près des conifères, situés entre les deux
maisons de cette fin de route, après le passage de six Geais bleus,Yves s’exclame en affirmant qu’il vient
de voir voler un oiseau devant la voiture qu’il n’a jamais vu
auparavant, lequel a une large bande blanche sur les ailes et qu’il veut
aller sur le terrain pour le retracer; mais nous ne sommes pas chez-nous et il
va demander la permission : la voisine ne voit pas d’objection, mais
c’est chez son beau-frère que l’oiseau se trouve! Une autre
permission à demander! Tout en cherchant l’homme en question dans
les bâtisses, nous observons en même temps, chacun de notre
côté (pendant au moins 10 minutes et trouvant deux Tourterelles
tristes et un Pic chevelu), et le fameux spécimen ailé sort de son
‘’trou’’ en allant se poser sur le poteau de la ligne
électrique, en avant de Yves, qui me crie d’aller
l’identifier : il ne reconnaît pas ce pic, puisque c’est
un pic; en arrivant à la course lente (jogging), je réussis
à capter seulement la tête au-dessus des mélèzes qui
obstruent ma vue par les branches, car l’oiseau s’envole illico
vers les arbres de la rivière, mais je lui confirme presque avoir vu un
Pic à tête rouge, ce à quoi il acquiesce sur le champ. Après
quelques recherches et un peu d’attente, nous poursuivons la
randonnée ornithologique, tous les deux très fiers de notre
découverte, ce grâce à la patience de Yves, lequel va
revenir dans l’après-midi pour revoir ce pic et tenter le prendre
en photo, tout en demandant la permission au propriétaire pour que
d’autres observateurs viennent admirer ce Pic à tête rouge,
du moins jusqu’à preuve du contraire.
Sur le chemin du retour,
nous ajoutons une Buse à queue rousse, une Buse pattue, six Plectrophanes des neiges, une Alouette hausse-col,
d’autres Corneilles d’Amérique, des Tourterelles tristes,
des Pigeons bisets, trois Moineaux domestiques et quelques centaines
d’Étourneaux sansonnets, entre autres. Chez-moi, nous identifions
parfaitement le fameux Pic à tête rouge avec les livres
d’identification des oiseaux et encouragé, Yves retourne à
Saint-Léon-le-Grand, afin de retrouver cet individu ailé, d’essayer
le photographier et de demander la permission aux gens des lieux pour permettre
la venue d’observateurs d’oiseaux, soit le minimum
d’éthique requis dans un tel cas d’observation; quant
à moi, j’appelle un autre observateur et photographe (mon ami
Jacques), avec son équipement de haute qualité, pour augmenter
les chances de photos. L’odyssée du Pic à tête rouge
se termine après plus de trois heures d’activités intenses
dans la réussite la plus totale, avec identification confirmée,
photos et permission obtenue : une journée à marquer
d’une croix, car c’est une première à vie (lifer) pour nous trois (Yves, Jacques et moi-même).
Dans les jours suivants,
plusieurs ornithologues amateurs de la province, notamment de la région
de Québec et de la région de Montréal, sans oublier le
club d’ornithologie de Trois-Rivières, ont pu apprécier ce
rarissime Pic à tête rouge en terre mauricienne, encore une fois
grâce à la patience de mon copain de Nicolet,
Yves; merci au nom de tous les observateurs du Québec.