LA ROUTE D’OISEAUX EN BAISSE

 

Article de Michel Bourassa

 

 

         Il y a des endroits stratégiques pour certaines espèces d’oiseaux et dans la municipalité de Yamachiche, il s’en trouve un qui est particulier, soit la route Gélinas. Ce chemin gravelé (jusqu’à tout récemment appelé la route  La Bezotte) d’environ 1,200 mètres est situé entre le lac Saint-Pierre et le cœur du village de Yamachiche, soit à mi-chemin entre ces deux endroits.

 

         Pour plusieurs oiseaux migrateurs, dont certains sont nicheurs, la route Gélinas est des plus importantes par son environnement immédiat, car elle devient un terrain de chasse idéal avec ses arbres (peu nombreux, malheureusement) et ses arbustes, ses fossés, ses champs de culture et son ciel naturel (sans fils, poteaux, antennes, maisons, tours, etc.). La Crécerelle d’Amérique apprécie énormément ce lieu et au moins un couple l’a adopté au fil des ans afin d’élever leur famille dans un des arbres en bordure de la route; le succès est toujours au rendez-vous, avec deux ou trois jeunes en vol à la fin de l’été.

 

         Une autre sorte d’individu aviaire à bénéficier du site correspond à l’Engoulevent d’Amérique, lequel choisit la voie aérienne des alentours de la route Gélinas pour gober la nuit, en vol, des insectes, la principale source de sa nourriture quotidienne; cette façon de s’alimenter, occasionnellement, cause la mort de l’un d’eux, heurté par un véhicule, la dite mort causée par l’aveuglement des phares. De plus en plus, une espèce fréquente les abords de cette route, ayant un faible pour les épillets des tiges de maïs, abondants dans les champs, et elle se nomme Passerin indigo; cet oiseau peut aussi se percher dans un des arbres et arbustes, soit pour se reposer, soit pour s’abriter des éléments (pluie, orage, soleil, vent) ou soit pour se protéger d’un prédateur.

 

        Le Quiscale bronzé, une espèce en diminution, selon les récents recensements, traverse la route Gélinas à chaque soir de l’été et ce, en des voiliers de cent à deux cents spécimens à la fois, tous en provenance de la municipalité de Yamachiche; en empruntant ce raccourci, ces oiseaux noirs vont coucher dans la végétation du lac Saint-Pierre. En hiver, un hibou intéressant choisit les perchoirs naturels de ce secteur et évidemment, c’est l’impressionnant Harfang des neiges, lequel aime chasser dans ces vastes espaces, libres d’obstacles urbains. En ces mois de froidure, le Bruant lapon opte pour les bords terreux gelés de ce chemin essentiel pour la gent ailée, en se mêlant à l’Alouette hausse-col et/ou au Bruant des neiges; le Bruant lapon est peu nombreux et il est très recherché par les observateurs.

 

        L’espèce suivante est probablement aussi en baisse et a besoin d’un environnement comme celui de la route Gélinas et elle répond à la Pie-grièche grise, laquelle se pose à la cime de tout arbre ou arbuste qui peut convenir à une chasse fructueuse de sa part. De temps en temps, le Faucon pèlerin est un rapace qui occupe le site dans un but bien précis, soit trouver sa pitance journalière, ce qu’il réussit assez souvent. Quant à la Perdrix grise, se tenant par groupe de cinq à vingt-cinq membres, elle adore se promener à un tel endroit, avec ses fossés, sa végétation desséchée (quenouilles et phragmites, entre autres), les côtés gravelés, son boisé de la Petite rivière Yamachiche et ses quelques fermes.

 

        Ces différentes espèces moins abondantes, dont quelques-unes sont même en danger, font partie intégrante de l’environnement de la route Gélinas, tout en n’oubliant pas, naturellement, toutes les autres qui la fréquentent, surtout aux périodes de migration, ce qui rend ce lieu extrêmement important, au risque de me répéter; toute altération de ce site par la pollution industrielle ou la construction immobilière sera néfaste pour la faune aviaire et est totalement à proscrire. La meilleure façon de le faire est de garder sa vocation actuelle, soit agricole et les oiseaux pourront augmenter leur chance de survie, déjà précaire pour plusieurs.