LA STERNE QUI CONSTERNE
Article de Michel Bourassa
Au milieu de l’après-midi du 13 juillet 1996, ce après
une accalmie du vent, je m’empresse de me rendre à la Pointe-Yamachiche en chaloupe, car je n’en peux plus de me
voir tourner en rond dans la maison avec la mauvaise température des
dernières heures à l’extérieur; la surface de
l’eau du lac Saint-Pierre est presque calme, à ma grande
satisfaction. Comme il y a eu un ouragan sur la Côte Est des
États-Unis lors des derniers jours, apportant beaucoup de pluie et de
vent au Québec, le niveau du lac a augmenté et la « pointe »
est presque disparue, constatation faite à mon arrivée, laissant
seulement une lisière étroite de plage et une plaque de sable
très réduite vers la végétation, endroit choisi
pour accoster ma barque, ce afin d’observer les quelques oiseaux
d’eau présents.
Les premiers spécimens repérés sur la
lisière de sable correspondent à des Goélands marins, des
Goélands à bec cerclé, un Bécasseau sanderling,
quelques Bécasseaux semipalmés et
Bécasseaux minuscules, un Chevalier solitaire, un Pluvier kildir, deux Cormorans à aigrettes, une quinzaine de
Petits Chevaliers, un Chevalier grivelé et une Mouette de Bonaparte,
tous regroupés sur cette surface des plus restreintes. Ayant rapidement
identifié ces espèces, mes jumelles se dirigent vers la petite plaque
ensablée pour apercevoir une sterne qui m’intrigue au plus haut
point; celle-ci ressemble quelque peu à une Sterne de Dougall, mais elle est trop costaude et possède un
trop gros bec. Après un examen plus exhaustif, je reconnais
l’espèce et je réalise que je suis en présence
d’une Sterne hansel, une hirondelle de mer des
marais salés des États-Unis, laquelle a sûrement
été emportée ici par les forts vents de l’ouragan
Bertha, ce qui est très exceptionnel et ne se reverra probablement plus
de mon vivant à Yamachiche.
Depuis ce jour béni,
avec cette Sterne hansel, je me précipite
à chaque fois à la Pointe-Yamachiche,
à la suite de tout ouragan ayant eu lieu au pays de l’Oncle Sam,
car ces manifestations éoliennes poussent plusieurs sortes
d’oiseaux vers le nord, soit au Québec, et le lac Saint-Pierre
devient un refuge temporaire pour ceux-ci. Depuis ce jour, d’autres
raretés ont été recensées lors de telles
circonstances, comme l’Anhinga
d’Amérique, la Sterne à gros bec, le Chevalier
sylvain, le Traquet motteux, la Paruline hochequeue,
la Paruline de Swainson, la
Mésange à dos marron et le Tyran quiquivi,
entre autres.