LA VOIE MARITIME AU LAC SAINT-PIERRE
Article de Michel Bourassa
Les activités fluviales sur le Saint-Laurent, vis-à-vis le
lac Saint-Pierre (appelé Nebesek par les Abénakis, signifiant « au
lac »), passent obligatoirement par le centre de ce dernier, mais ce
fut presque toujours très difficile et ce, parce que les bas niveaux
d’eau en ont été la principale cause. Cet inconvénient
majeur date depuis longtemps, soit depuis au moins le milieu du 19ème
siècle, moment où le tracé de la voie maritime au lac
Saint-Pierre était en ligne droite.
En effet, de 1844 à 1847, afin de palier à un canal peu
profond (avec une moyenne de 3 mètres en été), des travaux
de dragage avaient été entrepris, mais abandonnés, car ce
tracé droit ne suivait pas le courant naturel du lac. Les 3
mètres de profondeur ne permettaient pas aux navires d’outre-mer
de passer avec des chargements complets, devant demander l’aide de plus
petits bateaux pour le reste des marchandises. Les premiers dragages de
l’ancien chenal du côté nord du lac sont terminés en
1854, avec une profondeur de 5 mètres et une largeur de 76
mètres, pour en voir trois autres (dragages), ce afin d’atteindre
la profondeur d’un peu moins de 9 mètres et la largeur de 91
mètres, à la fin des années 1880 (Jocelyn Morneau, Petits pays et grands ensembles).
La phase la plus récente pour le creusage du canal de la voie
maritime remonte au début des années 1950, lors des travaux qui
durèrent jusqu’en 1959 (près de 10 ans), année de
l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent. À partir de ce
moment, ce chenal permettra dorénavant à des transatlantiques et
à d’autres navires à plus fort tonnage de se rendre aux
Grands Lacs et ce, avec un système d’écluses; par contre,
l’achalandage portuaire de Montréal diminuera au profit de
Toronto. Afin de garder les bateaux dans le couloir fluvial, une bouée
se trouve de chaque côté de celui-ci, soit une verte et une rouge,
selon que ce soit la rive nord ou la rive sud pour la couleur, laquelle
bouée mesure 20 pieds de haut et pèse 13,000 livres, retenue par
une chaîne de 90 pieds de long au poids de 1,000 livres; en plus, un
crapaud est rattaché à cette dite chaîne, soit une
pesée de 6,000 livres qui s’agrippe au lit du fleuve.
Lors du dragage des années 1950, à l’ouest du pont
de Trois-Rivières (pas encore construit), les sédiments furent
transportés vers la rive nord du lac Saint-Pierre, pour devenir une
île qui portera, par la suite, le nom d’Île-aux-sternes, lieu
justement fréquenté par les Sternes pierregarins,
les différentes espèces de goélands et par plusieurs
sortes d’oiseaux aquatiques et, éventuellement, par plusieurs
espèces d’oiseaux des forêts lorsque la
végétation s’y installa définitivement. En arrivant
en face de Yamachiche, les sédiments terreux,
vaseux ou/et sableux ont été simplement déposés de
chaque côté du chenal, soit à peine un peu plus de 100
mètres de ce dernier, pour devenir des brise-lames lors du passage
de tout navire; ces amoncellements de sédiments furent baptisés
de battures par les pêcheurs commerciaux du lac Saint-Pierre, car les
poissons, surtout les Esturgeons de lac, longeaient ces barrières fabriquées
par l’homme lors de leur migration, autant à l’automne
qu’au printemps.
En passant, les îlots rocheux qui côtoient la voie maritime,
autant au sud qu’au nord, servent aussi à ralentir les nombreuses
vagues des cargos lors de leur passage, minimisant les dommages causés
aux rives du lac Saint-Pierre, surtout aux endroits occupés par des
maisons et des chalets d’été. Depuis le début des
années 1990, surtout, le chenal maritime est entretenu annuellement par
du dragage, duquel chenal les terres et les sables sont rejetés de
chaque côté de celui-ci, ayant donné comme résultat,
malheureusement néfaste, de remplir presque complètement un canal
naturel du lac. Ce canal, appelé le « chenal du
nord » par les pêcheurs du lac, prenait sa source à la
sortie de la Rivière-du-Loup, à Louiseville, près de la
voie maritime, et poursuivait son cours vers Yamachiche,
en biais, jusqu’au milieu, entre les rives et le centre du lac; de
là, tout en s’approchant du rivage, à près de 300
mètres et ce, jusqu’à la hauteur de la Place Marconi, le
canal retournait vers le large, jusqu’à la Pointe-du-Lac, pour
aller rejoindre la voie maritime. Ce fameux « chenal du
nord » était l’un des passages
préférés utilisés par les esturgeons, ce qui
permettait d’excellentes pêches pour les pêcheurs commerciaux
du lac Saint-Pierre.
En terminant, la voie maritime sur le Saint-Laurent est essentielle pour
l’économie québécoise, mais elle devra garder ses
dimensions actuelles, car toute modification majeure (comme il est fortement
suggéré par les instances américaines) mettra en danger
l’existence du lac Saint-Pierre tout en bouleversant
l’écologie de ce milieu.