PERCHAUDE : APPÂT À
RENARD
Tout le monde sait que la Perchaude était un poisson très
méprisé avant les années 1960 et l’on en faisait de
multiples usages, sauf pour la nourriture dans la plupart des cas. Mais comme
l’on en apprend presque à tous les jours dans la vie, même
si je fus pêcheur commercial pendant 32 ans, je n’étais
absolument pas au courant d’un des usages de la Perchaude, lequel avait
du sens avec la mauvaise réputation de ce produit aquatique en ces
années d’avant 1960.
La Perchaude, servant déjà à nourrir les chats,
à remettre tout simplement à l’eau après la capture
ou encore, en dernier recours, à tenter de manger avec
délicatesse, à cause des nombreuses petites arêtes, trouva
une autre utilité auprès d’un citoyen d’un des rangs
de la municipalité de Yamachiche. En effet,
à chacune de ses excursions de pêche à l’une des
rivières ou au lac Saint-Pierre, notre homme ramenait toutes ses
perchaudes, ainsi que tous ses autres poissons moins comestibles, pour les
déposer dans une chaudière de tôle, laquelle était
bien scellée avec son couvercle original, car il y avait
intérêt à le faire soigneusement!
Les poissons les plus populaires de l’époque
correspondaient à la Barbotte brune, au Doré jaune, à la
Barbue blanche, à l’Anguille d’Amérique et au Brochet
du Nord, entre autres. Inutile de dire que le fameux Crapet-soleil
se ramassait lui aussi dans la chaudière de fermentation, ce, afin de
fabriquer de l’appât à renard; ce récipient,
spécial en vertu de son
contenu nauséabond, se retrouvait toujours au bout de la grange, soit
celui qui était le plus loin de la maison!
Lorsque la saison de la chasse au renard débutait, notre
cultivateur préparait ses parts de poissons pourris qui sentaient
à des milles à la ronde, attirant le plus récalcitrant des
renards et aussi rusé qu’il pouvait être, il ne pouvait
certainement pas résister à cet excellent mélange dont la
Perchaude faisait partie : le renard a compris bien avant nous la valeur
de cette chair de poisson (même s’il n’a jamais
été difficile pour la qualité de sa viande!). Celui qui
avait la responsabilité d’ouvrir chacune des chaudières
devait déguerpir dans les secondes suivantes s’il ne voulait pas
perdre conscience en respirant les vapeurs toxiques et très puantes.
Ce fermier-cultivateur-pêcheur-chasseur obtenait de bons
résultats avec cet appât de son cru, car il répéta
l’expérience pendant plusieurs années. Dire que maintenant,
la Perchaude se vend à prix d’or; notre pêcheur du temps
n’agirait sûrement pas de la même façon, s’il
vivait aujourd’hui, parce qu’il commencerait probablement par la
savourer, en sachant que ses filets sont savoureux et surtout, sans
arêtes.