LE DÉPOTOIR DE LA PETITE RIVIÈRE
Jusqu’à la fin des années 1940,
comme il n’y avait que peu de déchets domestiques reliés directement au
développement industriel, lequel était encore à ses premiers balbutiements (surtout
avant la deuxième guerre mondiale où la pauvreté régnait en maître), les gens
jetaient ces dits détritus soit à la côte de la rivière, soit au fond de la
cour ou soit encore dans un baril de métal pour les brûler, cette méthode
surtout utilisée par les épiciers et les marchands. Avant l’arrivée des sacs de
plastique, des couches jetables, des produits ménagers sophistiqués remplis de
divers métaux, des matériaux de construction super légers employés pour
l’isolation, tous des items représentant de la marchandise extrêmement peu
dégradable, la population n’avait pas à s’inquiéter outre mesure de la
pollution, car les emballages de papier brûlaient ou pourrissaient rapidement
dans la terre, les récipients de tôle rouillaient pour, à la longue, disparaître,
ce, après les avoir utilisé au maximum dû à la pauvreté et le bois, lui aussi
était recyclé jusqu’aux limites permises par la décence, soit juste avant la
décomposition ou avant le fendillement, après quoi, il se retrouvait dans le
poêle à bois ; quant aux autres déchets, il en restait très peu.
L’après-guerre, soit après 1945, la
consommation augmenta grâce à un début de prospérité assez rapide pour la
majorité des gens et ce, peu de temps après l’émergence de l’industrialisation
déjà en ébullition vers le milieu des années 1930. La fabrication des produits
polluants mentionnés ci-haut a obligé les municipalités à les ramasser et à
ouvrir un dépotoir sur leur territoire respectif, car ces matières commençaient
à causer des ennuis, surtout par leurs accumulations devenant visibles,
encombrantes et parfois nauséabondes lorsque les détritus de table y étaient
intégrés. À Yamachiche, le premier contrat de
ramassage des ordures fut octroyé par le maire Omer Saint-Louis en 1947 (au
coût de 350.00$ par année) à Josaphat Bourassa, de la rue Saint-Georges, lequel
fit travailler deux de ses garçons, soit Henri et George; le premier, Henri,
occupa ce poste de vidangeur seulement quelques années avant de se faire
engager par la Compagnie de chemin de fer du C.P. (Canadien Pacifique) et le
deuxième, George, en fit son travail principal, tout en se trouvant quelques
à-côtés comme la récupération du carton et des vieux journaux, devenant, sans
qu’il le sache, avant-gardiste dans ce domaine.
Le dépotoir de Yamachiche
se situait au bout de la rue Gérin-Lajoie, soit à proximité du lac Saint-Pierre
où passe actuellement l’autoroute 40, précisément à quelques mètres seulement
ou directement sous la voie Québec-Montréal (celle du nord). La récupération
des ordures s’effectuait avec un chariot spécialement construit pour les
besoins du métier, soit une longue plate-forme pour le foin lousse à laquelle
on ajoutait des brancards (ridelles) de trois pieds maximum (moins d’un mètre)
en hauteur, ce afin de pouvoir monter les barils de 45 gallons (eh oui!),
souvent presque remplis, et cette voiture était tirée par un magnifique cheval,
soit un étalon surnommé « le blond », lequel était très fort et très
doux à la fois, obéissant au moindre commandement ; après le déchargement à la
pelle de chacun des voyages au dépotoir, le feu était mis aux détritus et à
intervalles réguliers, de la machinerie lourde venait faire de la place pour
les cueillettes suivantes.
Ayant à plusieurs reprises fait ce
travail à la fin des années 1950 jusqu’en 1961, j’ai pu constater les
difficultés et les dangers de blessures (surtout des coupures) occasionnés par
ce métier dans ces années archaïques pour l’équipement, ne connaissant rien de
mieux. Le dépotoir de la « petite rivière » était à ciel ouvert et
les propriétaires de chalets d’été des alentours devaient en prendre plein le
nez lorsque le vent se tournait vers eux, car tout le monde avait accès au site
et on venait y jeter des carcasses d’animaux morts-nés,
des vaches mortes, des pattes, os et plumes de volailles, et même des
entrailles d’animaux de boucherie, ce qui faisait un cocktail d’odeurs
accentuant la puanteur des lieux. Ledit dépotoir a été fermé dans les premières
années 1960, ce afin de laisser la place à la future autoroute 40 qui sera
ouverte en 1979.
Avec cette fermeture, le nouvel
emplacement à déchets exigeait l’abandon du cheval, déjà désuet, car ce dit
site se situait en dehors du village, à sa partie Est, obligeant à passer sur
la route 138 et à traverser la voie ferrée, à gauche, à plus ou moins deux
cents mètres avant la Place Marconi, à droite; le tracteur remplaça donc l’animal,
devenant plus sécuritaire et aussi, plus rapide, avec des chargements de plus
en plus lourds. Ce site d’enfouissement fut utilisé jusqu’en 1967, année
pendant laquelle on décida de déménager sur les lots 444 et 445 de
Concession-Nord, à la Grande rivière Yamachiche,
dépotoir en opération de 1967 à 1978 (à cette période, le camion avait, à son
tour, remplacé le tracteur), ce avant le transport des ordures au site
d’enfouissement de Saint-Étienne-des-Grès, endroit choisit par plusieurs
municipalités de la région à cette époque et toujours le même de nos
jours.