BRUME ET FUMÉE DE MER

À maintes occasions, le lac Saint-Pierre offre de grandioses spectacles et plusieurs sont en relation directe avec son élément, soit l’eau. La grande surface de son onde est influencée par les saisons et à chacune d’elles, différents phénomènes, tous plus intéressants les uns que les autres, nous éblouissent par leur ampleur.

Une des manifestations naturelles des plus impressionnantes, lorsque nous regardons le lac, se passe très souvent à l’automne, la période des fréquents changements de température, laquelle collabore énormément à la magie des magistrales images offertes à nos pupilles. Il y a loin de la poudre aux yeux lorsque la brume s’empare de tout l’espace aérien de ce vaste cours d’eau, lequel, dans de telles circonstances, est toujours très calme et semble dormir, tellement le silence est roi : c’est le début d’un suspense dont la durée est du ressort, entre autres, d’Éole.

Ce brouillard, habituellement matinal, sait garder jalousement tous les secrets de l’environnement de ces eaux douces, en retardant continuellement le moment de sa montée vers le ciel; dès que cette vapeur d’eau sent le moindre souffle du vent, lequel s’invite à son tour, elle ose lever quelque peu le voile du paysage aquatique du lac en s’élevant très lentement, pour, soudain, prendre une pose et nous faire languir un peu plus encore, en gardant le mystère, comme si nous n’avions nullement la notion du temps. Alors, l’élément éolien sent le besoin d’intervenir et s’exécute avec plus d’ardeur, pour enfin voir l’interminable et épais rideau de scène aqueux monter rapidement vers les nuées et s’y évaporer, nous laissant apprécier toutes les beautés dissimulées derrière lui, depuis déjà trop longtemps.

Nous pouvons contempler, d’un seul jet, le firmament bleuté, occupé par quelques nuages, les eaux du lac et ses vagues frissonnantes, devenues quelque peu agitées, à l’arrivée du vent, les algues flottantes, tendant leurs tentacules aux limites du possible, les boisés les plus éloignés du rivage, aux cimes maintenant apparentes, et les îlots rocheux, lesquels côtoient le couloir fluvial et lesquels sont les hôtes des Cormorans à aigrettes, ces habiles oiseaux pêcheurs aux plumes noires; aussi, les rives du Sud du lac Saint-Pierre peuvent se permettre de dévoiler leur existence et maintenant faire partie intégrante de cette mer intérieure, en en faisant un tout des plus cohérents.

Quant à l’autre visage de cette merveille aquatique, il apparaît plutôt vers les derniers jours d’octobre, où le contraste entre l’air et le liquide s’amplifie, et se constate par la vapeur de l’eau du lac, plus chaude que cet air ambiant, laquelle s’élève juste au-dessus de la surface et vient se transformer en fumée de mer pour, ensuite, valser dans tous les sens, et aller se perdre à l’horizon et ce, dans le vent du large.

Parfois, en ces jours froids avant l’hiver, la glace fait acte de présence et en ces occasions, lorsque la vapeur vient à fleur d’eau et commence à flirter avec le rivage givré, il est évident que la nature aime se faire admirer en se montrant sous un autre aspect, toujours aussi surprenant et enivrant, à la fois, le tout, en nous faisant frissonner quelque peu sous la brise. Toujours sous l’emprise de la fumée de mer, lorsqu’une neige légère se joint à la danse, il est impossible de ne pas s’extasier devant autant de magnificence naturelle lorsque l’eau, la vapeur, la neige, le vent, le froid et la glace se retrouvent tous dans le même spectacle et font partie de cette farandole atmosphérique.