LE BRAVE CHEVALIER

À l’été de l’année 2000, une chaloupe pour la pêche commerciale est ancrée dans la « petite baie », près de sa rive est, à la Pointe-Yamachiche. Cette embarcation sera utilisée à la fréquence d’une fois par semaine et ce, pour la récolte de la perchaude principalement, poisson de plus en plus abondant en avançant vers l’automne et ce, jusqu’à la mi-novembre.

Comme cette barque est constamment au même endroit, jour après jour, un individu l’a rapidement repérée parce qu’il habite les lieux en permanence et il décide de s’en servir sans demander une quelconque permission, car c’est un oiseau de rivage du nom de Chevalier grivelé. Les premières journées de la prise de possession de son nouvel habitat servent principalement à faire le tour du « propriétaire » et à définir, précisément de sa part, les points stratégiques, tant pour le point de vue sur le lac que pour la facilité de défendre éventuellement son territoire.

Ce limicole arpente régulièrement la bordure supérieure de chaque flanc de la chaloupe, en s’arrêtant occasionnellement et en branlant la queue, caractéristique principale de l’espèce; en agissant ainsi, il reste fidèle à la réputation de ses anciens noms

de Chevalier branlequeue et de Maubèche branlequeue.

Plus les jours passent, plus ce chevalier se sent chez-lui et il devient par le fait même plus agressif dès qu’un autre oiseau de rivage, tout autre membre de la gent ailée ou même tout observateur approche trop près de son domaine. À chaque fois, il lance une série de cris stridents tout en s’agitant et se déplaçant vers l’endroit menacé, selon lui; ce Chevalier grivelé est vraiment d’une bravoure sans égal car, en une occasion, il ose même injurier un Grand Héron par ses vociférations interminables, trouvant ce dernier un peu trop près de « son domicile ».

Un beau jour, le « squatter » perd son logement lorsque, plus tôt que prévu, le pêcheur commercial vient chercher la chaloupe, craignant probablement le vol ou le vandalisme pendant la période de la chasse au canard; mais c’est un moindre mal, car ce Chevalier grivelé doit quitter le site, lui aussi, pour la migration automnale, laquelle le mènera vers ses quartiers d’hiver, dans le Sud.