« LE TROU À PROULX »

Pendant mon adolescence, je fréquentais assez régulièrement un étang, à proximité du lac Saint-Pierre, lequel était communément appelé le « trou à Proulx », puisqu’il était situé à l’arrière de la maison de M. Georges Proulx et ce, à quelques centaines de mètres. Pour s’y rendre, il fallait emprunter la route gravelée menant à l’actuelle Pointe-Yamachiche, laquelle se trouvait à quelques mètres dépassé le domicile de M. Proulx et où se situe exactement, aujourd’hui, la montée du viaduc conduisant à l’autoroute 40 et à la voie de service pour les propriétaires des chalets, lesquels chalets longent le lac Saint-Pierre.

Les origines de ce célèbre trou provenaient des mains d’un propriétaire de moulin à scie, un dénommé Taylor (voir le livre « Yamachiche et son histoire » pour plus de renseignements), lequel avait fait creuser ce cours d’eau pour les opérations de son moulin, pouvant ainsi accueillir les billots de pins en provenance d’un creux et long canal qui traversait la route actuelle menant au viaduc et la route du canton, laquelle était à quelques mètres seulement de la Grande rivière Yamachiche et par laquelle les billots arrivaient des « hauts », au printemps et ce, par le courant. Après le sciage des billes, le bois était transporté au quai de l’embouchure de la « grande rivière » et chargé sur une barge ou une goélette, arrivée dans le canal artificiel de plus de trois mètres ( au moins dix pieds) de profondeur de la « petite baie », laquelle est située entre les deux rivières, soit la « petite » et la « grande ».

Le « trou à Proulx » était un marécage très productif pour la pêche sportive, pratiquée surtout par les jeunes de mon âge (12 à 16 ans), car la barbotte était abondante et ce, pratiquement presque toute l’année, dû à la continuelle présence d’une eau de qualité acceptable, résultant automatiquement à des poissons bien oxygénés et en santé; en plus de la barbotte, la perchaude, le crapet-soleil, la barbue et, parfois, l’anguille représentaient les sortes de poissons pêchés le plus souvent.

Ce site était aussi devenu une excellente grenouillère où des centaines de grenouilles et de ouaouarons pullulaient; les chasseurs de ces batraciens ont rapidement éliminés ces deux espèces par la chasse intensive. Pour les pêcheurs inexpérimentés, certains avaient l’audace d’aller pêcher directement dans l’étang ou dans le canal adjacent et communicant, pour le regretter amèrement, car dans les premières minutes, une horde de sangsues s’attaquaient aux jambes dénudées, l’occasion tant attendue par ces vampires des eaux; c’était une véritable corvée que d’enlever ces dizaines de sangsues, lesquelles ne voulaient absolument pas lâcher leur proie (pour une fois qu’elles en avaient une), d’autant plus que la victime de cette attaque paniquait parfois, car chaque retrait de la jambe laissait une légère plaie saignante, donnant l’impression que la situation était des plus graves (surtout à la fin de l’opération, laissant plusieurs traces de sang), n’étant nullement le cas.

Les pêcheurs commerciaux ont, eux aussi, bénéficié du « trou à Proulx », en y cueillant leurs appâts pour la pêche à l’Esturgeon de lac, composés de petites perchaudes, de petits crapets-soleil, de « petits castors » et de « petits barrés », entre autres; à l’automne, certains chasseurs de canards s’installaient sur ou aux abords de cet étang très populaire auprès des oiseaux aquatiques. En somme, cet endroit a marqué la vie de plusieurs amants de la pêche et de la nature, et est ainsi devenu un lieu très important dans l’histoire de Yamachiche. Actuellement, pour avoir une idée assez précise de l’emplacement de cet étang d’antan, en arrivant par le boulevard Duchesne, il faut se guider sur le canal, à droite de l’entrée de l’autoroute, direction Louiseville; ensuite, en ligne presque droite tout en traversant les deux voies de l’autoroute, il faut repérer le fossé agricole qui s’y trouve, et a plus ou moins à quelques mètres près, le « trou à Proulx » se trouve aux alentours de la voie d’autoroute menant à Trois-Rivières, sous celle-ci.