LE GOBIE À TACHE NOIRE

Une nouvelle espèce de poisson se retrouve dans un cours d’eau par toute sorte de stratagème et le lac Saint-Pierre est aussi concerné que n’importe lequel et même plus, car une circulation maritime de nombreux bateaux étrangers s’y effectue, augmentant considérablement les chances de l’arrivée d’un tel phénomène piscicole.

Le lac Saint-Pierre, déjà au prise avec des espèces ayant voyagé clandestinement sous forme d’œufs collés à la coque d’un ou quelques navires outre-mer, dont ceux de la Carpe allemande dans les années 1960 et ceux de la Moule zébrée dans les années 1990, avait connu, dans son passé récent, de telles expériences d’invasions mais, il en verra au moins une autre, à très brève échéance. En effet, dans les années 1990, des cargos, en provenance de la mer Caspienne, ont transporté des Gobies à tache noire dans leurs ballasts (matière solide de lest), lesquels ballasts furent rejetés dans les eaux des Grands Lacs, destination de chacun d’eux; automatiquement, les Gobies à tache noire ont aussi subi le même sort et ainsi occuper cet environnement salutaire pour eux.

Ces Gobies à tache noire, poissons de petite taille à nageoire ventrale servant de ventouse dans le courant, très utile pour demeurer sur place lorsqu’ils se nourrissent, et à nageoire dorsale divisée en deux parties dont la première est marquée d’une tache noire à l’arrière (raison du nom de ce poisson), sont une espèce extrêmement prolifique avec environ six portées par année, permettant de peupler rapidement tout cours d’eau et rendant impossible son élimination. Les gobies ont réussi à s’implanter dans la région des Grands Lacs, ce qui s’est fait facilement, d’autant plus que le mâle est très protecteur et agressif lors de chacune des périodes de reproduction, protégeant adéquatement les œufs après la ponte pour résulter en un taux très élevé d’éclosion; la Moule zébrée, un mollusque originaire de la mer Caspienne, énormément présente dans les eaux des Grands Lacs, est immédiatement entrée dans le régime alimentaire des gobies puisqu’elle était un de leurs mets favoris dans cette mer de Russie : quel hasard!

Le Gobie à tache noire fut recensé dans le lac Saint-Pierre, en 2006, et la meilleure façon que les biologistes et les techniciens de la faune du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (M.R.N.F.) ont trouvé pour obtenir des résultats rapides et les plus précis possibles est la capture à la seine à poche et ce, en pêchant dans une rivière se jetant dans le lac, soit la Saint-François. Dès 2006, on s’est vite aperçu que le gobie était déjà présent sur ce site et avec plusieurs individus, par surcroît; dans les années suivantes, chacune d’elles a été marquée par une augmentation substantielle du Gobie à tache noire, confirmant son implantation définitive en ces lieux et aussi, par ricochet, sa présence accrue au lac Saint-Pierre, le rendant une espèce à part entière de la faune aquatique dudit lac, face à l’impossibilité de l’éliminer, ce, par sa grande capacité de reproduction à une rapidité étonnante.

Ce petit poisson est par contre un grand prédateur d’œufs de poisson, dont ceux du Doré jaune et de l’Esturgeon jaune, deux espèces de poisson très appréciées par les consommateurs, et il est encore trop tôt pour savoir si cet étranger de la mer Caspienne va avoir un impact négatif vis-à-vis les autres espèces du lac Saint-Pierre : seul l’avenir le dira. À première vue, la bonne nouvelle est que le Gobie à tache noire va se nourrir aussi de la Moule zébrée, laquelle est relativement présente au lac Saint-Pierre.

Source: http://www.mddep.gouv.qc.ca/biodiversite/nuisibles/gobi.htm