BRANLE-BAS POUR LE ROUSSÂTRE

 

Dans la journée du 2 septembre 2001, j’ai encore la chance d’observer l’unique et l’élégant Bécasseau roussâtre et ce, à l’endroit habituel, soit à la pointe Yamachiche; après ce repérage d’une très grande qualité, j’en fais déjà mon deuil car ce limicole est rarement deux jours consécutifs sur le même site (surtout à Yamachiche).

Alors, le lendemain est un nouveau jour et je me retrouve à un autre lieu d’observation, soit à la Petite rivière Yamachiche, dans l’avant-midi. Je suis à la recherche du Bruant de Baird, lequel bruant est très rare dans la région mais lequel trouve l’habitat idéal à Yamachiche, près des rives du lac St-Pierre qui l’accueillent avec ses touffes d’herbes courtes et folles aux fins brins verts (brins souvent couchés); à proximité, les aulnes et les jeunes saules complètent idéalement cet oasis pour le passage du Bruant de Baird, dans sa migration d’automne.

Vu en moyenne deux années sur trois, s’il doit présentement être dans les parages, il est un peu en retard, mais je garde encore espoir au moins jusqu’au 15 septembre. Et j’ai raison car, quelques minutes après mon arrivée, sur le bord du lac, j’entends un chant particulier qui émane des arbustes, et à la cime d’un petit saule, j’aperçois très rapidement le fameux Bruant de Baird tant convoité, lequel lance une série de notes enchanteresses, pour ainsi me signaler sa présence : je suis comblé.

Savourant pleinement ce moment, je retourne en direction du canal où mon embarcation se trouve (car je suis arrivé en chaloupe) et à peine à cinq mètres de celle-ci, je reprends aussitôt mes sens avec le fier Bécasseau roussâtre qui se dirige directement sur moi, lequel doit bifurquer vers l’eau, me voyant à la toute dernière fraction de seconde!; la veille, comme j’ai été le seul à l’admirer, je me dépêche à me rendre à la maison pour aviser des amis ornithologues amateurs. Après les appels confirmant l’arrivée prochaine de deux observateurs afin de tenter de retracer le bécasseau, je prends le temps de manger, ayant environ trente minutes d’attente.

À leur arrivée, je suis déjà prêt pour le départ et l’un d’eux a particulièrement hâte de se rendre sur les lieux, car il n’a pas le Bécasseau roussâtre sur sa liste d’observations à vie. À cet instant, tout en nous dirigeant vers la chaloupe, l’apparition impromptue dans ma cour d’un autre ami des oiseaux, mais très ponctuelle, me permet de lui apprendre la bonne nouvelle et il désire, lui aussi, recenser ce spécimen rarissime dans la Mauricie; comme il n’y a pas assez d’espace pour nous tous dans la barque, je fais un premier voyage avec les deux premiers arrivants afin qu’ils puissent retrouver le Bécasseau roussâtre, si possible, tout en leur indiquant la position de ce dernier sur le rivage, ce, avant mon départ pour les informer. Je reviens immédiatement chercher mon troisième passager, lequel est déjà prêt et le second parcours se fait encore plus vite, car je vois l’anxiété l’envahir pendant le trajet, devant sa hâte d’observer le limicole du jour.

Lorsque nous débarquons, à la sortie du canal, au lac St-Pierre, je vois que les deux premiers recenseurs cherchent à un point précis et ils semblent avoir trouver l’oiseau de rivage; en effet, en s’approchant d’eux, ils viennent tout juste de le faire et le plus important, celui qui ne l’a jamais observé a enfin réussi cet exploit ornithologique : je suis très content pour lui. Quant à mon dernier passager, comme il est plus grand que nous, il réussit lui aussi à l’apercevoir, à l’arrière d’un bouquet de tiges d’herbes aquatiques; mission accomplie, car tout le monde est satisfait après cette effervescence d’activités aviaires, autant dans le voyagement que dans la recherche.

Le déplacement et l’agitation menant à cette observation valaient réellement la peine, ce qui n’est pas toujours le cas (oh que oui!). Ce Bécasseau roussâtre a fait connaître des sensations fortes à quatre personnes en ce 3 septembre 2001, ce qui n’est pas peu dire!