SAUVE-QUI-PEUT!

À la fin d’août d’une des années du milieu 1990, une anecdote des plus savoureuses s’est produite et je vous la présente ci-dessous.

En ce début de soirée d’été, la météo ayant annoncé des orages isolés et ce, à brève échéance, je risque quand même à me rendre à mon poste d’observation pour les oiseaux de rivage car déjà depuis quelques jours, la migration d’automne se fait de plus en plus sentir avec la présence accentuée des limicoles; comme ce lieu privilégié sur les rives du lac St-Pierre, à la rivière locale, est à près de six kilomètres de mon domicile et ce, en vélo, je m’y dirige le plus rapidement possible afin d’éviter les intempéries en cette journée chaude et humide.

Dès mon arrivée sur les lieux, le ciel est déjà très lourd avec des nuages de plus en plus bas et menaçants, mais je n’en démords pas et même si mon séjour peut être court, je veux absolument répertorier les espèces sur place. Sur le parcours des derniers mètres, avant le début des observations, je remarque près des broussailles, à proximité du chemin, un morceau de polyéthylène abandonné par un pollueur. Rendu sur le site, je scrute le bord du lac et j’identifie plusieurs Pluviers semipalmés, Bécasseaux sanderlings et Petits Chevaliers qui se promènent, en circulant parmi les Goélands à bec cerclé et les Sternes pierregarins; sans avertissements, la plage devient déserte tout en voyant les oiseaux de rivage se précipiter dans les buissons, près de la rivière : que se passe-t-il?

Un coup de tonnerre retentit, accompagné de vents chauds et de plus en plus véloces, sous une importante pluie glaciale qui enchaîne dans la seconde pour m’obliger à courir vers l’endroit du vêtement protecteur improvisé, soit le matériau en polyéthylène; je l’attrape immédiatement tout en allant m’abriter aussitôt dans un espace trouvé entre les aulnes et pour voir, dans ma position de fœtus, les grosses et froides gouttes d’eau des derniers instants se changer en grêlons. Le bombardement commence et dure au moins cinq minutes, tout en demeurant accroupi avec mon imperméable recyclé, lequel bouclier reçoit les projectiles congelés et poussés par des bourrasques violentes, situation vraiment loufoque et le devenant encore plus en songeant à la sagesse des limicoles, lesquels se sont abrités avant moi, ayant senti à l’avance cet orage venir à nous.

Après le passage de la pluie, du vent et des nuages, le ciel devient clair et ensoleillé avec l’apparition d’un arc-en-ciel, signe de l’arrivée définitive du beau temps, mais sans avoir au préalable fait quelques ravages peu coûteux, soit d’inonder le sol d’innombrables morceaux de grêle, de différentes dimensions, allant d’un grain de sable à une boule de gomme à mâcher. Le tout fond en quelques minutes, soit juste le temps de voir surgir des arbustes, un après l’autre, les prudents oiseaux de rivage qui se remettent à leur activité préférée, la bouffe, comme si de rien n’était; j’ai encore beaucoup de croûtes à manger avant d’avoir leur flair inné.