ÇA BRASSE!

 

    En début de l’an 2000, le 14 février précisément, une observation nouveau genre se produit, aussi loufoque qu’inconfortable. En plein après-midi, je discute avec le propriétaire du restaurant du coin et pendant la conversation, je lui signale que je n’ai pas encore vu le Harfang des neiges cette saison, et lui non plus, d’ailleurs; nous continuons à jaser et à l’heure du départ, je me dirige à la maison comme à chaque jour. Arrivé à destination, au moment de mettre pieds par terre, en laissant mon vélo devant mon domicile, une auto surgit derrière moi, dans la rue, et c’est ledit propriétaire qui me somme de le suivre immédiatement, car il vient de découvrir un harfang sur une antenne de télévision, à l’est du village, lors de son retour chez lui ; j’obéis à son ordre, d’autant plus qu’il me dit posséder des jumelles dans le véhicule et c’est parti!

    Nous nous rendons rapidement sur les lieux, pour constater que l’oiseau en question n’y est plus et qu’il a quitté la scène dans un vol dont nous ignorons la destination; mon complice du moment pense qu’il peut être dans un arbre, tout près, mais, après avoir scruté les alentours, nous nous avouons vaincu et nous abandonnons presque, lorsque sur le trajet du retour, le harfang est aperçu sur le toit d’une maison, non loin de son premier perchoir, pour le voir s’envoler, subito presto, vers les champs et s’éloigner rapidement.

    Sans avertissement, mon conducteur rebrousse chemin et part à sa poursuite, en empruntant une route secondaire, sinueuse et remplie de nids-de-poules, lesquels m’empêchent de pointer les 7X35 vers le Harfang des neiges, s’éloignant de plus en plus. Je me crois être assis dans une diligence du temps du Far West, tellement que ça brasse, avec la tuque tombée sur les yeux, la tête frappant le plafond du véhicule, les jumelles rendues constamment dans la vitre ( en plus, elles sont sales, limitant ma vision ), ce qui me rend la quasi impossibilité de le repérer, avec aussi comme handicap, le très puissant soleil qui m’aveugle complètement, confondant la neige au sol avec le ciel clair; mon partenaire, au volant, réussi à en voir un deuxième, lequel est encore plus loin et la poursuite effrénée recommence pour se terminer près de l’autoroute 40. Nous les avons perdus de vue et nous revenons lentement en circulant sur une voie gravelée, au cas où…, mais non, les harfangs se sont évaporés.

    Au moins, j’en ai vu un quelques instants : faute de pain, on mange de la galette! Moi, qui pensais retourner à la maison, comme d’habitude en toute tranquillité, je me suis royalement trompé, à mon grand bonheur et ce, grâce à cet ami restaurateur.